Irène Militchz, automne 1868
Irène Militchz, automne 1868
Irène Militchz, automne 1868
La première ligne allemande tomba à Dompierre-Becquincourt, mais l'ennemi s'était déjà replié en bon ordre dans le petit village de Belloy-en-Santerre. Notre bataillon monta à l'assaut vers 17H, sous une pluie battante, baïonnette au canon, empruntant un terrain sans abris ni couverts. Nous n'étions plus qu'à une centaine de mètres du bourg lorsque notre progression fut stoppée par un tir nourri, si bien que ramper devint rapidement la seule solution, vers un trou, des débris de maçonnerie ou des troncs déchiquetés. Nombre de mes camarades furent tués, alors que je recevais un éclat dans l’abdomen suite à l'explosion de plusieurs caisses de munitions. Abandonné à mon sort, j'entrepris de m'échapper par-delà le plus profond sommeil et de rejoindre une dernière fois les contrées d'Ooth-Nargai, où le temps paraît comme suspendu. C'est à cette occasion, alors que la vie m'arrachait malgré moi au vide extrême, que je découvris l'existence de monstruosités indicibles tapies à la frontière de notre réalité, et pourtant à portée de nous nuire ...
Randolph Carter
La première ligne allemande tomba à Dompierre-Becquincourt, mais l'ennemi s'était déjà replié en bon ordre dans le petit village de Belloy-en-Santerre. Notre bataillon monta à l'assaut vers 17H, sous une pluie battante, baïonnette au canon, empruntant un terrain sans abris ni couverts. Nous n'étions plus qu'à une centaine de mètres du bourg lorsque notre progression fut stoppée par un tir nourri, si bien que ramper devint rapidement la seule solution, vers un trou, des débris de maçonnerie ou des troncs déchiquetés. Nombre de mes camarades furent tués, alors que je recevais un éclat dans l’abdomen suite à l'explosion de plusieurs caisses de munitions. Abandonné à mon sort, j'entrepris de m'échapper par-delà le plus profond sommeil et de rejoindre une dernière fois les contrées d'Ooth-Nargai, où le temps paraît comme suspendu. C'est à cette occasion, alors même que la vie m'arrachait malgré moi au vide extrême, que je découvris l'existence de monstruosités indicibles tapies à la frontière de notre réalité, et pourtant à portée de nous nuire ...
Randolph Carter
I. Les Lions de Cantigny
I. Les Lions de Cantigny
12 mai au 3 juin 1918
Les sergents Sebastian Crane et Vincent Price débarquent en France depuis le port de Brest, avant de rejoindre leur peloton, stationné au camp de Gondrecourt-le-Château, en Lorraine. Sur place, ils achèvent leur formation militaire, laquelle est diligentée par des officiers français incorporés au sein de leur division, et sont instruis à l'utilisation des armes, fournies pour l'essentiel par l'armée française, mais également à la meilleur façon d'exploiter le relief et les obstacles naturels. Ils rejoignent ensuite le reste du 28ème régiment d'infanterie de la 1ère Division d'Infanterie Américaine sur le front de la Somme et participent quelques jours plus tard à la bataille de Cantigny, premier engagement majeur des États-Unis dans le conflit, avant de découvrir un tumulus mégalithique abandonné sous l'abbaye en ruine du village, puis un second, duquel ils exhument un mystérieux coffret, de combattre des créatures humanoïdes manifestement chargées de protéger les lieux et de faire la connaissance du capitaine Randolph Carter, un américain engagé volontaire au sein de la Légion Étrangère française. Ce dernier les charge bientôt de remettre à son ami, le lieutenant allemand Gerhard Reitner, ledit coffret ... non sans avoir obtenu d'un proche du major-général Robert Lee Bullard, commandant de leur division, qu'ils passent temporairement sous ses ordres.
4 au 6 juin 1918
C'est le début pour nos camarades d'un périlleux voyage le long de la ligne de front, alors que tout n’est plus qu’amoncellement de ruines, en direction du hameau de Courcelles-Epayelles, où ils doivent retrouver l'officier allemand. Ils sont accompagnés pour ce faire du lieutenant Antoine Berthier, subalterne du capitaine Carter, alors que se déroule la troisième bataille de l'Aisne. N'ayant d'autre choix que de se déplacer de nuit, ils réalisent bientôt que les mystérieuses créatures leur ont donné la chasse ... avant de repousser une violente attaque. Épuisés, ils font une halte providentielle dans la maison miraculeusement épargnée d’Irène et Stéphane Militchz, contrairement au village de Orvillers-Sorel tout proche. Sur place, Sebastian ressent à plusieurs reprises la présence du fils unique du couple, Raphaël, décédé de la tuberculose alors qu'il n'avait que sept ans, tandis que Vincent est le témoin d'événements troublants … En fouillant le grenier, ils découvrent une malle de voyage ayant appartenu à l’époux d’Irène, horloger de métier porté disparu lors de la guerre de 1870 qui opposa la France au royaume de Prusse. De facture luxueuse, elle arbore le nom de son propriétaire, gravé sur une plaque de laiton fixée sur le châssis. À l’intérieur, précieusement rangées dans de petites boites, ils dénombrent pas moins de 700 pièces en argent massif de toutes tailles ; des roues, des engrenages, des balanciers, des pignons, des chevilles, des barillets et des arbres de rotation, mais aucun cadran, aucun ressort ni aucune plaque de fixation destinée à accueillir l’ensemble. Fait plus étrange encore, l’une des pièces se révèle être en bronze et recouverte d’une fine couche d'argent. Forts de cette surprenante découverte, ils reprennent la route le lendemain soir, après avoir soigneusement dissimulé la malle dans les décombres du village tout proche. Et alors que les monstruosités qui les traquent depuis plusieurs jours restent étonnamment à bonne distance, comme contraintes par quelque chose, ou quelqu’un, ils retrouvent enfin le lieutenant Reitner, lequel est accompagné de son estafette, un certain Adolf, et lui remettent le coffret avant de rebrousser chemin.
12 mai au 3 juin 1918
Les sergents Sebastian Crane et Vincent Price débarquent en France depuis le port de Brest, avant de rejoindre leur peloton, stationné au camp de Gondrecourt-le-Château, en Lorraine. Sur place, ils achèvent leur formation militaire, laquelle est diligentée par des officiers français incorporés au sein de leur division, et sont instruis à l'utilisation des armes, fournies pour l'essentiel par l'armée française, mais également à la meilleur façon d'exploiter le relief et les obstacles naturels. Ils rejoignent ensuite le reste du 28ème régiment d'infanterie de la 1ère Division d'Infanterie Américaine sur le front de la Somme et participent quelques jours plus tard à la bataille de Cantigny, premier engagement majeur des États-Unis dans le conflit, avant de découvrir un tumulus mégalithique abandonné sous l'abbaye en ruine du village, puis un second, duqel ils exhument un mystérieux coffret, de combattre des créatures humanoïdes manifestement chargées de protéger les lieux et de faire la connaissance du capitaine Randolph Carter, un américain engagé volontaire au sein de la Légion Étrangère française. Ce dernier les charge bientôt de remettre à son ami, le lieutenant allemand Gerhard Reitner, ledit coffret ... non sans avoir obtenu d'un proche du major-général Robert Lee Bullard, commandant de leur division, qu'ils passent temporairement sous ses ordres.
Troupes américaines à Gondrecourt-Le-Château, mai 1918
4 au 6 juin 1918
C'est le début pour nos camarades d'un périlleux voyage le long de la ligne de front, alors que tout n’est plus qu’amoncellement de ruines, en direction du hameau de Courcelles-Epayelles, où ils doivent retrouver l'officier allemand. Ils sont accompagnés pour ce faire du lieutenant Antoine Berthier, subalterne du capitaine Carter, alors que se déroule la troisième bataille de l'Aisne. N'ayant d'autre choix que de se déplacer de nuit, ils réalisent bientôt que les mystérieuses créatures leur ont donné la chasse ... avant de repousser une violente attaque. Épuisés, ils font une halte providentielle dans la maison miraculeusement épargnée d’Irène et Stéphane Militchz, contrairement au village de Orvillers-Sorel tout proche. Sur place, Sebastian ressent à plusieurs reprises la présence du fils unique du couple, Raphaël, décédé de la tuberculose alors qu'il n'avait que sept ans, tandis que Vincent est le témoin d'événements troublants … En fouillant le grenier, ils découvrent une malle de voyage ayant appartenu à l’époux d’Irène, horloger de métier porté disparu lors de la guerre de 1870 qui opposa la France au royaume de Prusse. De facture luxueuse, elle arbore le nom de son propriétaire, gravé sur une plaque de laiton fixée sur le châssis. À l’intérieur, précieusement rangées dans de petites boites, ils dénombrent pas moins de 700 pièces en argent massif de toutes tailles ; des roues, des engrenages, des balanciers, des pignons, des chevilles, des barillets et des arbres de rotation, mais aucun cadran, aucun ressort ni aucune plaque de fixation destinée à accueillir l’ensemble. Fait plus étrange encore, l’une des pièces se révèle être en bronze et recouverte d’une fine couche d'argent. Forts de cette surprenante découverte, ils reprennent la route le lendemain soir, après avoir soigneusement dissimulé la malle dans les décombres du village tout proche. Et alors que les monstruosités qui les traquent depuis plusieurs jours restent étonnamment à bonne distance, comme contraintes par quelque chose, ou quelqu’un, ils retrouvent enfin le lieutenant Reitner, lequel est accompagné de son estafette, un certain Adolf, et lui remettent le coffret avant de rebrousser chemin.
8 juin 1918
Sur le trajet du retour, après une nouvelle halte chez les Militchz pour récupérer la précieuse malle, le petit groupe est rattrapé par le jeune Adolf, blessé à la cuisse, l'uniforme en lambeaux, qui les supplie de le suivre jusqu’au lieu-dit de Hainvillers, où il devait se rendre avec Reitner. Contre l’avis du lieutenant Berthier, nos camarades décident de l’accompagner et retrouvent bientôt la voiture du lieutenant dans le fossé, capote arrachée, portière enfoncée … et un peu plus loin la dépouille à moitié dévorée du malheureux, mais aucune trace du précieux coffret. Le camp tout proche est jonché de cadavres de soldats appartenant à la police militaire allemande. Dans l’une des granges, une nouvelle volée de marches descend dans l’obscurité, révélée après qu’un épais mur de pierre ai été abattu. Trois poissons gravés dans la roche permettent de dater les lieux aux alentours du 5ème siècle. La pièce, en tout point semblable à celle découverte sous l'abbaye de Cantigny, renferme en son centre trois énormes mégalithes organisés en triangle autour d'un bloc de pierre taillée. Une caisse métallique est posée sur un tabouret en bois ; le verrou cède facilement et nos jeunes investigateurs y découvrent deux gardes d'épées scandinaves datant de l'époque médiavale, une clef à tige pleine de facture récente ainsi que des papiers jaunis par le temps, lesquels se révèlent être une copie parcellaire du Liber Ivonis de Gaspard du Nord, transcrite du français médiéval vers l’allemand moderne. Outre une partie de la vie en Hyperborée du sorcier Eibon, auteur présumé de l’ouvrage originel, et de sa fuite vers Saturne après avoir été déclaré hérétique, ils découvrent l’existence de plusieurs sortilèges, malheureusement inexploitables puisque incomplets ou tout simplement incompréhensibles, exception faite d’un paragraphe qui détaille comment réaliser un passage dimensionnel afin de se déplacer comme par enchantement. Enfin, ils en apprennent davantage sur les effroyables créatures qui leur ont donné la chasse, dépeintes comme d’anciens humains dépossédés de leur âme et désormais au service d’un énigmatique "Homme Noir".
Troupes américaines à Gondrecourt-Le-Château, mai 1918
Troupes américaines à Gondrecourt-Le-Château, mai 1918
9 juin 1918
Forts de ces nouvelles découvertes, et alors que la nuit a fini par tomber, ils décident de quitter les lieux au plus vite lorsque que trois soldats font irruption, manifestement désorientés, suivis presque immédiatement par plusieurs créatures qui profitent de l'occasion pour lancer une nouvelle attaque. La lutte qui s'en suit, éclairée à la seule faveur de la lune, est particulièrement violente et chacun de nos camarades manque à de nombreuses reprises de tomber sous les griffes de ces monstruosités, supérieures en nombre. Mais alors que la situation paraît désespérée, elles rompent une nouvelle fois le combat, laissant à Sebastian l’occasion d’apercevoir l’espace d’un instant plusieurs d’entre elles se regrouper telles des bêtes fauves autour d’une mystérieuse silhouette au teint bistre pour lui lécher les mains, avant de se raviser. Gravement blessé, le lieutenant Berthier meurt quelques instants plus tard, tandis que l’estafette Adolf perd momentanément la vue des suites de l’explosion d’une grenade au gaz. Le petit groupe parvient toutefois à s'enfuir au volant d’un camion de la police militaire allemande stationné non loin et de rejoindre le village de Cantigny, où leur régiment a depuis poursuivi son effort avec une partie de la division pour participer à la bataille du bois Belleau, ainsi qu’à la grande contre-offensive alliée censée stopper la quatrième campagne ennemie sur le front occidental. Ils sont immédiatement reçus par le commandant Charles Whittlesey, lequel dirige le 1er bataillon du 308ème régiment d’infanterie, accompagné du capitaine Carter, tandis que le malheureux Adolf est fait prisonnier. Si le second paraît sincèrement affecté par la disparition de Reitner et du lieutenant Berthier, ainsi que par la perte du précieux coffret, le premier, étranger à toute cette histoire, est davantage préoccupé par le fait qu'il doive prochainement s’aventurer dans une partie de l’Argonne, région située à une centaine de kilomètres à l’est, où l’ennemi a eu quatre ans pour se retrancher.
8 juin 1918
Sur le trajet du retour, après une nouvelle halte chez les Militchz pour récupérer la précieuse malle, le petit groupe est rattrapé par le jeune Adolf, blessé à la cuisse, l'uniforme en lambeaux, qui les supplie de le suivre jusqu’au lieu-dit de Hainvillers, où il devait se rendre avec Reitner. Contre l’avis du lieutenant Berthier, nos camarades décident de l’accompagner et retrouvent bientôt la voiture du lieutenant dans le fossé, capote arrachée, portière enfoncée … et un peu plus loin la dépouille à moitié dévorée du malheureux, mais aucune trace du précieux coffret. Le camp tout proche est jonché de cadavres de soldats appartenant à la police militaire allemande. Dans l’une des granges, une nouvelle volée de marches descend dans l’obscurité, révélée après qu’un épais mur de pierre ai été abattu. Trois poissons gravés dans la roche permettent de dater les lieux aux alentours du 5ème siècle. La pièce, en tout point semblable à celle découverte sous l'abbaye de Cantigny, renferme en son centre trois énormes mégalithes organisés en triangle autour d'un bloc de pierre taillée. Une caisse métallique est posée sur un tabouret en bois ; le verrou cède facilement et nos jeunes investigateurs y découvrent deux gardes d'épées scandinaves datant de l'époque médiavale, une clef à tige pleine de facture récente ainsi que des papiers jaunis par le temps, lesquels se révèlent être une copie parcellaire du Liber Ivonis de Gaspard du Nord, transcrite du français médiéval vers l’allemand moderne. Outre une partie de la vie en Hyperborée du sorcier Eibon, auteur présumé de l’ouvrage originel, et de sa fuite vers Saturne après avoir été déclaré hérétique, ils découvrent l’existence de plusieurs sortilèges, malheureusement inexploitables puisque incomplets ou tout simplement incompréhensibles, exception faite d’un paragraphe qui détaille comment réaliser un passage dimensionnel afin de se déplacer comme par enchantement. Enfin, ils en apprennent davantage sur les effroyables créatures qui leur ont donné la chasse, dépeintes comme d’anciens humains dépossédés de leur âme et désormais au service d’un énigmatique "Homme Noir".
Bataille de la crête de Thiepval, septembre 1916
9 juin 1918
Forts de ces nouvelles découvertes, et alors que la nuit a fini par tomber, ils décident de quitter les lieux au plus vite lorsque que trois soldats font irruption, manifestement désorientés, suivis presque immédiatement par plusieurs créatures qui profitent de l'occasion pour lancer une nouvelle attaque. La lutte qui s'en suit, éclairée à la seule faveur de la lune, est particulièrement violente et chacun de nos camarades manque à de nombreuses reprises de tomber sous les griffes de ces monstruosités, supérieures en nombre. Mais alors que la situation paraît désespérée, elles rompent une nouvelle fois le combat, laissant à Sebastian l’occasion d’apercevoir l’espace d’un instant plusieurs d’entre elles se regrouper telles des bêtes fauves autour d’une mystérieuse silhouette au teint bistre pour lui lécher les mains, avant de se raviser. Gravement blessé, le lieutenant Berthier meurt quelques instants plus tard, tandis que l’estafette Adolf perd momentanément la vue des suites de l’explosion d’une grenade au gaz. Le petit groupe parvient toutefois à s'enfuir au volant d’un camion de la police militaire allemande stationné non loin et de rejoindre le village de Cantigny, où leur régiment a depuis poursuivi son effort avec une partie de la division pour participer à la bataille du bois Belleau, ainsi qu’à la grande contre-offensive alliée censée stopper la quatrième campagne ennemie sur le front occidental. Ils sont immédiatement reçus par le commandant Charles Whittlesey, lequel dirige le 1er bataillon du 308ème régiment d’infanterie, accompagné du capitaine Carter, tandis que le malheureux Adolf est fait prisonnier. Si le second paraît sincèrement affecté par la disparition de Reitner et du lieutenant Berthier, ainsi que par la perte du précieux coffret, le premier, étranger à toute cette histoire, est davantage préoccupé par le fait qu'il doive prochainement s’aventurer dans une partie de l’Argonne, région située à une centaine de kilomètres à l’est, où l’ennemi a eu quatre ans pour se retrancher.
II. Permissionnaires
Bataille de la crête de Thiepval, septembre 1916
Bataille de la crête de Thiepval, septembre 1916
13 juin 1918
Dès l'été 1917, le haut-commandement du corps expéditionnaire américain ordonne la création de plusieurs camps de permissionnaires proches de villes de province dotées d'une gare, à l'écart des grandes agglomérations, et surtout de Paris. Il compte en effet sur les activités sportives et culturelles pour maintenir les hommes en bonne condition physique et morale. Pourtant, c'est bien sur le quai de la gare de l'Est que nous retrouvons nos compagnons, après que le capitaine Carter ait une nouvelle fois fait usage de ses relations pour leur obtenir une permission exceptionnelle, dite "de convalescence". Ils logent dans un premier temps dans un modeste hôtel au pied de la butte Montmartre, parmi les soldats français, auquel ils préfèrent rapidement les chambres feutrées d'un établissement plus cossu, après qu'une bombe ne soit tombée sur le toit d'un bâtiment voisin. Ils prennent également soin de louer un coffre-fort dans une banque du quartier afin d’y déposer, le temps de leur séjour, la malle de Stéphane Militchz et son précieux contenu ainsi que les objets découverts à Hainvillers. Ce faisant, ils peuvent enfin profiter des quelques jours de repos qui s’offrent à eux et réalisent rapidement que la ville toute entière est bien éloignée des horreurs du front : les magasins, quoi que protégés des déflagrations par des bandes de papier gommé, sont éclairés, de nombreuses automobiles circulent, les hommes portent des couvre-chefs et des costumes trois pièces, tandis que les femmes se protègent du soleil avec des ombrelles ou des petits chapeaux, sacs à mains en bandoulières … et tout cela malgré le fait que les troupes allemandes se rapprochent inlassablement et que des obus tombent presque quotidiennement sur la capitale !
II. Permissionnaires
12 au 14 juin 1918
Les jours passant, ils font bientôt la connaissance de plusieurs personnages hauts en couleur, à commencer par l'inspecteur de police Philippe Bonnier, lequel tente de mettre un terme aux activités d’un gang composé d'anciens membres des "Apaches" qui terrorise les habitants de Montmartre. C’est d’ailleurs suite à une regrettable méprise que le chef de ce dernier, un dénommé Ravachol, demande à les rencontrer, persuadé que l’un d’entre eux est horloger … après que l’un de ses contacts, employé de banque, lui ait fait part du contenu de la précieuse malle. L'homme, qui a installé son quartier général sous la rotonde de la grande coupole de l’opéra de Paris, laquelle est emplie de dizaines d’objets dérobés à la bourgeoisie locale, se révèle être une "gueule cassée" qui a perdu l’usage de ses jambes et dont le visage est recouvert d’un masque. Ancien chirurgien, il leur explique avoir obtenu l’assistance d’un certain Louis Jean-Richard, dit Bressel, horloger suisse de son état, pour confectionner un nouveau masque qui, une fois relié à l’appareillage électrique qu’il a lui-même conçu, lui permettra, de reprendre une vie normale. Pour l’heure inachevé, ledit masque a été réalisé à partir d’un moule de son visage et la combinaison de différents éléments métalliques avec plusieurs métaux conducteurs, certains naturels, d’autres de nature inconnue … Mais alors qu'ils étaient sur le point d’aboutir, Bressel a brusquement disparu au bras d’une jeune femme de mauvaise verture, une certaine Louison, dont il s’était amouraché quelques semaines auparavant. Réalisant qu’ils ne lui seront d’aucune aide, il leur propose de tenter de retrouver son ami, en échange de quoi il leur offre un recueil de contes qu’un soldat britannique lui a confié lors de la bataille de la crête de Thiepval et auquel il ne tient guère. Ces derniers, très anciens et rédigés dans une langue inconnue, présentent selon lui un intérêt inestimable pour qui sait les interpréter.
13 juin 1917
Dès l'été 1917, le haut-commandement du corps expéditionnaire américain ordonne la création de plusieurs camps de permissionnaires proches de villes de province dotées d'une gare, à l'écart des grandes agglomérations, et surtout de Paris. Il compte en effet sur les activités sportives et culturelles pour maintenir les hommes en bonne condition physique et morale. Pourtant, c'est bien sur le quai de la gare de l'Est que nous retrouvons nos compagnons, après que le capitaine Carter ait une nouvelle fois fait usage de ses relations pour leur obtenir une permission exceptionnelle, dite "de convalescence". Ils logent dans un premier temps dans un modeste hôtel au pied de la butte Montmartre, parmi les soldats français, auquel ils préfèrent rapidement les chambres feutrées d'un établissement plus cossu, après qu'une bombe ne soit tombée sur le toit d'un bâtiment voisin. Ils prennent également soin de louer un coffre-fort dans une banque du quartier afin d’y déposer, le temps de leur séjour, la malle de Stéphane Militchz et son précieux contenu ainsi que les objets découverts à Hainvillers. Ce faisant, ils peuvent enfin profiter des quelques jours de repos qui s’offrent à eux et réalisent rapidement que la ville toute entière est bien éloignée des horreurs du front : les magasins, quoi que protégés des déflagrations par des bandes de papier gommé, sont éclairés, de nombreuses automobiles circulent, les hommes portent des couvre-chefs et des costumes trois pièces, tandis que les femmes se protègent du soleil avec des ombrelles ou des petits chapeaux, sacs à mains en bandoulières … et tout cela malgré le fait que les troupes allemandes se rapprochent inlassablement et que des obus tombent presque quotidiennement sur la capitale !
Protections anti-bombardements
12 au 14 juin 1918
Les jours passant, ils font bientôt la connaissance de plusieurs personnages hauts en couleur, à commencer par l'inspecteur de police Philippe Bonnier, lequel tente de mettre un terme aux activités d’un gang composé d'anciens membres des "Apaches" qui terrorise les habitants de Montmartre. C’est d’ailleurs suite à une regrettable méprise que le chef de ce dernier, un dénommé Ravachol, demande à les rencontrer, persuadé que l’un d’entre eux est horloger … après que l’un de ses contacts, employé de banque, lui ait fait part du contenu de la précieuse malle. L'homme, qui a installé son quartier général sous la rotonde de la grande coupole de l’opéra de Paris, laquelle est emplie de dizaines d’objets dérobés à la bourgeoisie locale, se révèle être une "gueule cassée" qui a perdu l’usage de ses jambes et dont le visage est recouvert d’un masque. Ancien chirurgien, il leur explique avoir obtenu l’assistance d’un certain Louis Jean-Richard, dit Bressel, horloger suisse de son état, pour confectionner un nouveau masque qui, une fois relié à l’appareillage électrique qu’il a lui-même conçu, lui permettra, de reprendre une vie normale. Pour l’heure inachevé, ledit masque a été réalisé à partir d’un moule de son visage et la combinaison de différents éléments métalliques avec plusieurs métaux conducteurs, certains naturels, d’autres de nature inconnue … Mais alors qu'ils étaient sur le point d’aboutir, Bressel a brusquement disparu au bras d’une jeune femme de mauvaise verture, une certaine Louison, dont il s’était amouraché quelques semaines auparavant. Réalisant qu’ils ne lui seront d’aucune aide, il leur propose de tenter de retrouver son ami, en échange de quoi il leur offre un recueil de contes qu’un soldat britannique lui a confié lors de la bataille de la crête de Thiepval et auquel il ne tient guère. Ces derniers, très anciens et rédigés dans une langue inconnue, présentent selon lui un intérêt inestimable pour qui sait les interpréter.
15 juin 1918
À présent sur les traces de Jean-Richard et de la jeune Louison, nos camarades arpentent bientôt une partie de la capitale française, profitant de l’occasion pour se renseigner sur la malle de Stéphane Militchz, dans l’espoir d’en apprendre davantage. C’est ainsi qu’ils se rendent à l’atelier de Bressel, où ils trouvent une photo du couple, puis dans l’établissement où la jeune femme officiait, réservé à une clientèle aisée et discrète, et dont certains éléments décoratifs sont surmontés de symboles francs-maçons qui font des lieux un endroit placé sous le sceau du secret. Apprenant que la malle a vraisemblablement été fabriquée par l'un des plus anciens malletiers français, la maison Moynat, ils se rendent au siège de ce dernier. Sur place, Jules Coulembier, l’actuel dirigeant, leur confie avoir reçu des instructions il y a de cela plusieurs années déjà du père de Sebastian en personne, lequel a par ailleurs investi dans l’entreprise en 1901, afin que l'histoire de cette malle demeure un mystère pour quiconque voudrait en savoir plus. Mais leurs découvertes ne s’arrêtent pas là et la surprise laisse bientôt place à la stupéfaction, alors qu’ils apprennent que la guerre de 1870 terminée, Stéphane Militchz, loin d'être mort sur le front comme l’a affirmé son épouse, était en réalité à Paris, où il a entretenu une liaison aussi brève que passionnée avec une jeune américaine de passage, laquelle lui a offert la fameuse malle, en avril 1871 … et qu’ils identifient rapidement comme étant la propre grand-mère de Sebastian, Victoria ! Très perturbé par ces dernières révélations dont il ignorait tout, ce dernier confesse à son ami faire régulièrement des cauchemars depuis leur visite du village d’Orvillers-Sorel et leur halte dans la maison des Militchz. De ce qu’il en retient, ils prennent systématiquement la forme d’un petit atelier d’horloger plongé dans la pénombre dans lequel travaille un homme, assis de dos. Une silhouette énigmatique et émaciée, enveloppée d'étoffes sombres, se tient à ses côtés et lui susurre quelques instructions à l’oreille. Sans qu’il puisse l’expliquer, il est persuadé que les deux êtres sont liés par un accord funeste et qu’ils attendent quelque chose l’un de l’autre.
Protections anti-bombardements
Protections anti-bombardements
16 juin 1918
Alors que les grèves se multiplient dans les usines de guerre, à l’image de la cartoucherie de Vincennes, que les protestations contre la hausse des prix, notamment des denrées alimentaires, s’étendent désormais aux fonctionnaires et employés de la ville de Paris et que la chambre des députés elle-même est de plus en plus souvent agitée par des débats houleux, les sergents Crane et Price poursuivent leurs investigations. C’est ainsi qu’ils découvrent que la jeune Louison était également convoitée par un certain Étienne Bourgeat, député français et membre du Grand Orient de France. Ne pouvant agir aux yeux de tous, il a mis quelque uns de ses hommes sur le coup, lesquels arpentent la ville, de jour comme de nuit. Leur but n’est pas tant de retrouver le couple de fuyards, mais plutôt de faire taire tous ceux qui pourraient compromettre sa réputation, ainsi que celle de la loge parisienne. Ils font également la connaissance de la jeune Marion Vilard, étudiante à l’École nationale des beaux-arts et stagiaire au Petit Journal, ainsi que de son rédacteur en chef, Alphonse Moriez et son collègue journaliste, Jean-Marie Defos. Ce dernier est justement sur la piste du politicien, qu’il soupçonne de fréquenter des établissements à la réputation sulfureuse et dont le nom serait par ailleurs associé, avec d’autres, à des rumeurs singulières concernant de prochaines négociations, secrètes puisque inconcevables pour la grande majorité des français, avec l’ennemi. Malheureusement, il n’aura pas le loisir de s’étendre sur le sujet et sera abattu la nuit même dans le cimetière de Montmartre, alors qu’il avait donné rendez-vous à nos camarades pour en parler plus longuement.
15 juin 1918
À présent sur les traces de Jean-Richard et de la jeune Louison, nos camarades arpentent bientôt une partie de la capitale française, profitant de l’occasion pour se renseigner sur la malle de Stéphane Militchz, dans l’espoir d’en apprendre davantage. C’est ainsi qu’ils se rendent à l’atelier de Bressel, où ils trouvent une photo du couple, puis dans l’établissement où la jeune femme officiait, réservé à une clientèle aisée et discrète, et dont certains éléments décoratifs sont surmontés de symboles francs-maçons qui font des lieux un endroit placé sous le sceau du secret. Apprenant que la malle a vraisemblablement été fabriquée par l'un des plus anciens malletiers français, la maison Moynat, ils se rendent au siège de ce dernier. Sur place, Jules Coulembier, l’actuel dirigeant, leur confie avoir reçu des instructions il y a de cela plusieurs années déjà du père de Sebastian en personne, lequel a par ailleurs investi dans l’entreprise en 1901, afin que l'histoire de cette malle demeure un mystère pour quiconque voudrait en savoir plus. Mais leurs découvertes ne s’arrêtent pas là et la surprise laisse bientôt place à la stupéfaction, alors qu’ils apprennent que la guerre de 1870 terminée, Stéphane Militchz, loin d'être mort sur le front comme l’a affirmé son épouse, était en réalité à Paris, où il a entretenu une liaison aussi brève que passionnée avec une jeune américaine de passage, laquelle lui a offert la fameuse malle, en avril 1871 … et qu’ils identifient rapidement comme étant la propre grand-mère de Sebastian, Victoria ! Très perturbé par ces dernières révélations dont il ignorait tout, ce dernier confesse à son ami faire régulièrement des cauchemars depuis leur visite du village d’Orvillers-Sorel et leur halte dans la maison des Militchz. De ce qu’il en retient, ils prennent systématiquement la forme d’un petit atelier d’horloger plongé dans la pénombre dans lequel travaille un homme, assis de dos. Une silhouette énigmatique et émaciée, enveloppée d'étoffes sombres, se tient à ses côtés et lui susurre quelques instructions à l’oreille. Sans qu’il puisse l’expliquer, il est persuadé que les deux êtres sont liés par un accord funeste et qu’ils attendent quelque chose l’un de l’autre.
Façade du Palais Garnier, 1914
16 juin 1918
Alors que les grèves se multiplient dans les usines de guerre, à l’image de la cartoucherie de Vincennes, que les protestations contre la hausse des prix, notamment des denrées alimentaires, s’étendent désormais aux fonctionnaires et employés de la ville de Paris et que la chambre des députés elle-même est de plus en plus souvent agitée par des débats houleux, les sergents Crane et Price poursuivent leurs investigations. C’est ainsi qu’ils découvrent que la jeune Louison était également convoitée par un certain Étienne Bourgeat, député français et membre du Grand Orient de France. Ne pouvant agir aux yeux de tous, il a mis quelque uns de ses hommes sur le coup, lesquels arpentent la ville, de jour comme de nuit. Leur but n’est pas tant de retrouver le couple de fuyards, mais plutôt de faire taire tous ceux qui pourraient compromettre sa réputation, ainsi que celle de la loge parisienne. Ils font également la connaissance de la jeune Marion Vilard, étudiante à l’École nationale des beaux-arts et stagiaire au Petit Journal, ainsi que de son rédacteur en chef, Alphonse Moriez et son collègue journaliste, Jean-Marie Defos. Ce dernier est justement sur la piste du politicien, qu’il soupçonne de fréquenter des établissements à la réputation sulfureuse et dont le nom serait par ailleurs associé, avec d’autres, à des rumeurs singulières concernant de prochaines négociations, secrètes puisque inconcevables pour la grande majorité des français, avec l’ennemi. Malheureusement, il n’aura pas le loisir de s’étendre sur le sujet et sera abattu la nuit même dans le cimetière de Montmartre, alors qu’il avait donné rendez-vous à nos camarades pour en parler plus longuement.
17 juin 1918
Prise de remords, la jeune Marion contacte nos camarades le lendemain matin et leur avoue avoir accepté une importante somme d’argent de la part d'Etienne Bourgeat afin d'espionner les moindres faits et gestes de ses collègues. Sans le sou, elle n’a pu résister, d'autant qu'elle n’aurait jamais imaginé mettre en danger la vie de qui que ce soit. Elle poursuit en décrivant le député, qu’elle a eu le loisir de rencontrer dans son hôtel particulier du bois de Boulogne, et dépeint un homme à femme peu enclin à essuyer un refus, infidèle et violent. Il est marié à Françoise Bourgeat Sándor, héritière d’une riche famille de Bosnie-Herzégovine qui n’est sans doute pas étrangère à son ascension fulgurante. Or, le hasard aidant, le couple organise justement une réception le soir même ; c’est l’occasion rêvée pour en apprendre davantage … Une fois sur place, il parait évident que personne, pas même nos compagnons, ne suspecte quoi que ce soit, alors même que la pauvre Louison est enfermée depuis sa disparition dans les dépendances du domaine, en plein milieu des bois qui entourent la propriété. Une fois au milieu des convives, ils se glissent discrètement dans le bureau du député, richement décoré et surmonté de symboles francs-maçons, et mettent la main sur une série de documents, dont certains rédigés en hongrois. Au même moment, Etienne, pris d’un accès de colère, quitte ses invités pour se rendre aux dépendances, un fusil de chasse cassé sur l’épaule. Nos deux investigateurs débutants décident d’intervenir et le neutralise à la faveur de l’obscurité … avant de découvrir son terrible secret et de libérer la malheureuse. Ne sachant où aller, ils conviennent de rapporter tout ce qu’ils savent à l’inspecteur Bonnier, et emmènent avec eux le député et sa victime. Sur place, Bonnier leur révèle qu'il travaille sous couverture pour la brigade régionale de police mobile et qu'il reçoit ses ordres de l’actuel président de la chambre des députés, Paul Deschanel. Forts des nombreuses preuves rapportées du domicile des Bourgeat, conjuguées aux informations déjà recueilles par les hommes de Bonnier, ils lèvent enfin le voile sur ce qui préoccupe tant la chambre des députés et comprennent qu’un certain nombre de ses membres œuvre à l’organisation prochaine de nouvelles négociations de paix secrètes, lesquelles font suite à une précédente tentative menée en 1917 par Aristide Briand, alors ministre de la Justice et actuel ministre des Affaires étrangères. Pour parvenir à leurs fins, ils ont accepté d’appuyer Clemenceau, président du Conseil des ministres, lequel cherche de son côté à couvrir le général Foch, alors que les mutineries, les grèves et la propagande pacifiste ne cessent de croitre depuis la terrible bataille du Chemin des Dames. Pourtant farouche partisan d'une victoire totale sur l'Empire allemand, ce dernier semble disposé à organiser de nouvelles négociations, aussi honteuses soient-elles ; les récents succès allemands sur le front de l’Aisne y sont sans doute pour beaucoup, à l’instar des importantes sommes d’argent que plusieurs membres du gouvernement qu'il a lui-même constitué ont récemment perçu de la part de riches familles austro-hongroises … Le complot mis à jour, Bonnier s’empresse de faire prévenir Paul Deschanel ; nul doute que ce dernier saura convaincre Clemenceau de mettre un terme définitif aux négociations. C’est le moment précis que Madame Bourgeat choisi pour faire irruption et tenter d’abattre son mari avant de retourner l'arme contre elle, stoppée dans son élan par nos intrépides investigateurs, qui sans le savoir, ont offert à la France et ses alliés, pourtant inférieurs en nombre et en matériel, l’opportunité de poursuivre la guerre ... et à Paul Deschanel de briguer la présidence de la République quelques années plus tard, après que son principal opposant et actuel président du Conseil des ministres, bien que très populaire auprès de l'opinion publique, renonce finalement à se présenter.
Façade du Palais Garnier, 1914
Façade du Palais Garnier, 1914
Clémenceau en visite dans une tranchée, décembre 1917
17 juin 1918
Prise de remords, la jeune Marion contacte nos camarades le lendemain matin et leur avoue avoir accepté une importante somme d’argent de la part d'Etienne Bourgeat afin d'espionner les moindres faits et gestes de ses collègues. Sans le sou, elle n’a pu résister, d'autant qu'elle n’aurait jamais imaginé mettre en danger la vie de qui que ce soit. Elle poursuit en décrivant le député, qu’elle a eu le loisir de rencontrer dans son hôtel particulier du bois de Boulogne, et dépeint un homme à femme peu enclin à essuyer un refus, infidèle et violent. Il est marié à Françoise Bourgeat Sándor, héritière d’une riche famille de Bosnie-Herzégovine qui n’est sans doute pas étrangère à son ascension fulgurante. Or, le hasard aidant, le couple organise justement une réception le soir même ; c’est l’occasion rêvée pour en apprendre davantage … Une fois sur place, il parait évident que personne, pas même nos compagnons, ne suspecte quoi que ce soit, alors même que la pauvre Louison est enfermée depuis sa disparition dans les dépendances du domaine, en plein milieu des bois qui entourent la propriété. Une fois au milieu des convives, ils se glissent discrètement dans le bureau du député, richement décoré et surmonté de symboles francs-maçons, et mettent la main sur une série de documents, dont certains rédigés en hongrois. Au même moment, Etienne, pris d’un accès de colère, quitte ses invités pour se rendre aux dépendances, un fusil de chasse cassé sur l’épaule. Nos deux investigateurs débutants décident d’intervenir et le neutralise à la faveur de l’obscurité … avant de découvrir son terrible secret et de libérer la malheureuse. Ne sachant où aller, ils conviennent de rapporter tout ce qu’ils savent à l’inspecteur Bonnier, et emmènent avec eux le député et sa victime. Sur place, Bonnier leur révèle qu'il travaille sous couverture pour la brigade régionale de police mobile et qu'il reçoit ses ordres de l’actuel président de la chambre des députés, Paul Deschanel. Forts des nombreuses preuves rapportées du domicile des Bourgeat, conjuguées aux informations déjà recueilles par les hommes de Bonnier, ils lèvent enfin le voile sur ce qui préoccupe tant la chambre des députés et comprennent qu’un certain nombre de ses membres œuvre à l’organisation prochaine de nouvelles négociations de paix secrètes, lesquelles font suite à une précédente tentative menée en 1917 par Aristide Briand, alors ministre de la Justice et actuel ministre des Affaires étrangères. Pour parvenir à leurs fins, ils ont accepté d’appuyer Clemenceau, président du Conseil des ministres, lequel cherche de son côté à couvrir le général Foch, alors que les mutineries, les grèves et la propagande pacifiste ne cessent de croitre depuis la terrible bataille du Chemin des Dames. Pourtant farouche partisan d'une victoire totale sur l'Empire allemand, ce dernier semble disposé à organiser de nouvelles négociations, aussi honteuses soient-elles ; les récents succès allemands sur le front de l’Aisne y sont sans doute pour beaucoup, à l’instar des importantes sommes d’argent que plusieurs membres du gouvernement qu'il a lui-même constitué ont récemment perçu de la part de riches familles austro-hongroises … Le complot mis à jour, Bonnier s’empresse de faire prévenir Paul Deschanel ; nul doute que ce dernier saura convaincre Clemenceau de mettre un terme définitif aux négociations. C’est le moment précis que Madame Bourgeat choisi pour faire irruption et tenter d’abattre son mari avant de retourner l'arme contre elle, stoppée dans son élan par nos intrépides investigateurs, qui sans le savoir, ont offert à la France et ses alliés, pourtant inférieurs en nombre et en matériel, l’opportunité de poursuivre la guerre ... et à Paul Deschanel de briguer la présidence de la République quelques années plus tard, après que son principal opposant et actuel président du Conseil des ministres, bien que très populaire auprès de l'opinion publique, renonce finalement à se présenter.
III. Message des tranchées
Clémenceau en visite dans une tranchée, décembre 1917
Georges Clémenceau en visite dans une tranchée, décembre 1917
2 juillet 1918
Nous retrouvons les sergents Crane et Price de retour en Picardie, après avoir voyagé en train depuis Paris jusqu’à la gare de la petite ville de Montdidier. Paul Deschanel, en guise de remerciement, a accepté de faire abandonner les poursuites à l’encontre de Marion Vilard et Lucien Cazau et de négocier leur départ pour les États-Unis avec le gouvernement de l'actuel président américain, Woodrow Wilson. Ne pouvant raisonnablement conserver avec eux la malle et son précieux contenu, ainsi que les objets découverts à Hainvillers, nos camarades ont décidé d'expédier le tout à Castle Hill avant de rejoindre leur régiment. Au loin, distants de plusieurs dizaines de kilomètres, les combats sont toujours aussi intenses et résonnent dans le lointain. En effet, le 31 mai, après que la dernière offensive allemande ait enfoncé les lignes françaises sur une profondeur de 50 km, entre Noyon et Reims, la 2ème Division d’Infanterie Américaine a reçu l’ordre de tenir le secteur de Château-Thierry, tandis que la 1ère Division a lancé une contre-offensive le 5 juin, alors qu'ils longeaient la ligne de front pour rejoindre Courcelles-Epayelles et le lieutenant Reitner. Le 10 juin, les troupes américaines sont parvenus à forcer le sud du bois de Belleau et à réduire de nombreuses poches de résistance, faisant des centaines de prisonniers. S’en sont suivis plusieurs jours d’un combat acharné, parfois au corps à corps, durant lesquels elles ont été soumises à de violentes contre-attaques, jusqu’à la capitulation, le 26 juin suivant, des derniers soldats allemands retranchés dans le village de Bouresches.
Une fois les zones réservées à la gestion des blessés et du ravitaillement franchies, ils atteignent celle dite "des armées", où seuls les soldats mobilisés et actifs sont autorisés à circuler. Les dernières obligations administratives remplies, ils retrouvent enfin leurs compagnons, lesquels leur apprennent que le peloton a été affecté la veille au camp de prisonnier de guerre qui a été construit à la hâte à environ trois kilomètres du village de Cantigny. Il s'agit, une fois n’est pas coutume, d'aménager les lieux au plus vite ; l’état-major américain souhaite en effet que soient édifiés des baraquements en dur pour remplacer les toiles tendues utilisées jusqu’à présent et ainsi améliorer les conditions de vie des prisonniers. Les jours suivants, alors qu'ils s'attèlent à la tâche, ils réalisent avec effroi à quel point ces dernières sont catastrophiques : les latrines sont constituées d’une simple tranchée, longue de plusieurs mètres, au-dessus de laquelle ont été placés plusieurs rondins. Il n’y a pas de douches non plus et seuls quelques robinets permettent de se désaltérer et de se laver, à la vue de tous. Le camp ne dispose pas de l’électricité, tandis que la nourriture se fait rare et que le courrier ne semble pas acheminé, ou alors avec une extrême lenteur. Fort heureusement, ils constatent également, non sans un certain soulagement, que la vie s'est malgré tout organisée, que pour faire face au cafard et à l'ennui, les hommes qui détiennent une connaissance quelconque s'en servent de manière plus ou moins désintéressée, quand d'autres jouent aux cartes, écrivent à leurs proches, lisent la presse ou font du sport.
III. Message des tranchées
3 juillet 1918
Suite aux accords de Berne du 15 mars 1918, lesquels traitent du rapatriement et de l’internement des prisonniers de guerre, des commissions médicales helvètes et espagnoles sillonnent les camps des différents belligérants pour sélectionner des "échangeables" ; des hommes qui finiront leur détention dans un hôpital en Suisse en raison de la gravité de leurs blessures, ou qui seront renvoyés auprès de leurs camarades, sur le front, en échange d’un prisonnier allié ; la plupart du temps, du personnel médical militaire. Or, les sergents Crane et Price ont justement l’occasion d’assister à pareille commission, laquelle doit juger des aptitudes d’un soldat allemand, un dénommé Oskar Blümm, et déterminer si ce dernier est réellement médecin. Et alors que tout parait aller pour le mieux et que l’on prend quelques instants pour délibérer, l’homme montre soudainement des signes évidents de troubles psychiques, affirmant sentir, tout autour de lui, la présence d’un être invisible qu’il désigne comme le "berger". Plus troublant encore, il se comporte l'espace d'un instant comme s’il était subitement devenu sourd de l’oreille droite, alors qu’une partie de son visage se fige, paralysé. C’est à ce moment précis qu’ils découvrent que ses avant-bras, jusque-là dissimulés sous les manches de son uniforme, sont recouverts de scarifications, dont certaines récentes. La commission, un temps hésitante, n’a pas d’autre choix que de rejeter sa candidature et de se mettre en quête d’un nouveau prétendant, tandis que nos deux amis sont invités à rejoindre leur peloton.
Intrigués, et n’ayant pour l'heure pas grand-chose à faire d'autre, ils décident de s’intéresser d'un peu plus près au cas de cet étrange prisonnier. C’est ainsi qu’ils mettent la main, après l'avoir reconduit à sa tente, sur plusieurs dessins qu'il a réalisé au crayon à papier, lesquels représentent systématiquement une silhouette sombre, maligne, penchée sur le corps de jeunes femmes manifestement endormies, tandis que le prénom "Émile", mentionné des dizaines de fois, de manière obsessionnelle, sert d'unique décors. Poursuivant leur enquête, ils font la connaissance d'un caporal qui leur confirme avoir remarqué un changement de comportement chez son ancien camarade lors des combats du mois de mai dernier, juste après qu'il ait tenté de sauver un soldat français gravement blessé, un certain Philippe, sans succès. D'après lui, c’est à partir de ce moment précis qu’Oskar a commencé à se plaindre de cauchemars et à sombrer progressivement dans un délire de persécution. L’aumônier du camp, un allemand du nom de Hans Behrens, va encore plus loin et leur confie ses soupçons, à savoir que le malheureux serait en réalité possédé par l’esprit d’un ancien meurtrier, un certain Joseph Vacher ! Surnommé le "tueur de bergers", il s’agirait d’un soldat français réformé devenu vagabond qui aurait perpétré des dizaines de meurtres et égorgé au moins vingt femmes, avant d’être guillotiné, en décembre 1898, alors qu’il était encore séminariste à Fulda, en Allemagne. S’il se souvient si bien de cette sombre affaire, très suivie par la presse nationale française, c'est qu'elle a également attiré l'attention de bon nombre de journaux étrangers, y compris outre-Rhin. Et alors que les combats faisaient rage et que son unité était stationnée dans la petite commune d’Étrépilly, où elle s'était solidement retranchée, il a pris le temps de consulter les archives d'un petit journal local, découvrant que le juge d'instruction qui a dirigé le procès s’appelle Émile Fourquet et que le soldat qu’Oskar a tenté de sauver, Philippe, n’est autre que son fils ainé !
2 juillet 1918
Nous retrouvons les sergents Crane et Price de retour en Picardie, après avoir voyagé en train depuis Paris jusqu’à la gare de la petite ville de Montdidier. Paul Deschanel, en guise de remerciement, a accepté de faire abandonner les poursuites à l’encontre de Marion Vilard et Lucien Cazau et de négocier leur départ pour les États-Unis avec le gouvernement de l'actuel président américain, Woodrow Wilson. Ne pouvant raisonnablement conserver avec eux la malle et son précieux contenu, ainsi que les objets découverts à Hainvillers, nos camarades ont décidé d'expédier le tout à Castle Hill avant de rejoindre leur régiment. Au loin, distants de plusieurs dizaines de kilomètres, les combats sont toujours aussi intenses et résonnent dans le lointain. En effet, le 31 mai, après que la dernière offensive allemande ait enfoncé les lignes françaises sur une profondeur de 50 km, entre Noyon et Reims, la 2ème Division d’Infanterie Américaine a reçu l’ordre de tenir le secteur de Château-Thierry, tandis que la 1ère Division a lancé une contre-offensive le 5 juin, alors qu'ils longeaient la ligne de front pour rejoindre Courcelles-Epayelles et le lieutenant Reitner. Le 10 juin, les troupes américaines sont parvenus à forcer le sud du bois de Belleau et à réduire de nombreuses poches de résistance, faisant des centaines de prisonniers. S’en sont suivis plusieurs jours d’un combat acharné, parfois au corps à corps, durant lesquels elles ont été soumises à de violentes contre-attaques, jusqu’à la capitulation, le 26 juin suivant, des derniers soldats allemands retranchés dans le village de Bouresches.
Une fois les zones réservées à la gestion des blessés et du ravitaillement franchies, ils atteignent celle dite "des armées", où seuls les soldats mobilisés et actifs sont autorisés à circuler. Les dernières obligations administratives remplies, ils retrouvent enfin leurs compagnons, lesquels leur apprennent que le peloton a été affecté la veille au camp de prisonnier de guerre qui a été construit à la hâte à environ trois kilomètres du village de Cantigny. Il s'agit, une fois n’est pas coutume, d'aménager les lieux au plus vite ; l’état-major américain souhaite en effet que soient édifiés des baraquements en dur pour remplacer les toiles tendues utilisées jusqu’à présent et ainsi améliorer les conditions de vie des prisonniers. Les jours suivants, alors qu'ils s'attèlent à la tâche, ils réalisent avec effroi à quel point ces dernières sont catastrophiques : les latrines sont constituées d’une simple tranchée, longue de plusieurs mètres, au-dessus de laquelle ont été placés plusieurs rondins. Il n’y a pas de douches non plus et seuls quelques robinets permettent de se désaltérer et de se laver, à la vue de tous. Le camp ne dispose pas de l’électricité, tandis que la nourriture se fait rare et que le courrier ne semble pas acheminé, ou alors avec une extrême lenteur. Fort heureusement, ils constatent également, non sans un certain soulagement, que la vie s'est malgré tout organisée, que pour faire face au cafard et à l'ennui, les hommes qui détiennent une connaissance quelconque s'en servent de manière plus ou moins désintéressée, quand d'autres jouent aux cartes, écrivent à leurs proches, lisent la presse ou font du sport.
Prisonniers de guerre allemands, juillet 1918
3 juillet 1918
Suite aux accords de Berne du 15 mars 1918, lesquels traitent du rapatriement et de l’internement des prisonniers de guerre, des commissions médicales helvètes et espagnoles sillonnent les camps des différents belligérants pour sélectionner des "échangeables" ; des hommes qui finiront leur détention dans un hôpital en Suisse en raison de la gravité de leurs blessures, ou qui seront renvoyés auprès de leurs camarades, sur le front, en échange d’un prisonnier allié ; la plupart du temps, du personnel médical militaire. Or, les sergents Crane et Price ont justement l’occasion d’assister à pareille commission, laquelle doit juger des aptitudes d’un soldat allemand, un dénommé Oskar Blümm, et déterminer si ce dernier est réellement médecin. Et alors que tout parait aller pour le mieux et que l’on prend quelques instants pour délibérer, l’homme montre soudainement des signes évidents de troubles psychiques, affirmant sentir, tout autour de lui, la présence d’un être invisible qu’il désigne comme le "berger". Plus troublant encore, il se comporte l'espace d'un instant comme s’il était subitement devenu sourd de l’oreille droite, alors qu’une partie de son visage se fige, paralysé. C’est à ce moment précis qu’ils découvrent que ses avant-bras, jusque-là dissimulés sous les manches de son uniforme, sont recouverts de scarifications, dont certaines récentes. La commission, un temps hésitante, n’a pas d’autre choix que de rejeter sa candidature et de se mettre en quête d’un nouveau prétendant, tandis que nos deux amis sont invités à rejoindre leur peloton.
Intrigués, et n’ayant pour l'heure pas grand-chose à faire d'autre, ils décident de s’intéresser d'un peu plus près au cas de cet étrange prisonnier. C’est ainsi qu’ils mettent la main, après l'avoir reconduit à sa tente, sur plusieurs dessins qu'il a réalisé au crayon à papier, lesquels représentent systématiquement une silhouette sombre, maligne, penchée sur le corps de jeunes femmes manifestement endormies, tandis que le prénom "Émile", mentionné des dizaines de fois, de manière obsessionnelle, sert d'unique décors. Poursuivant leur enquête, ils font la connaissance d'un caporal qui leur confirme avoir remarqué un changement de comportement chez son ancien camarade lors des combats du mois de mai dernier, juste après qu'il ait tenté de sauver un soldat français gravement blessé, un certain Philippe, sans succès. D'après lui, c’est à partir de ce moment précis qu’Oskar a commencé à se plaindre de cauchemars et à sombrer progressivement dans un délire de persécution. L’aumônier du camp, un allemand du nom de Hans Behrens, va encore plus loin et leur confie ses soupçons, à savoir que le malheureux serait en réalité possédé par l’esprit d’un ancien meurtrier, un certain Joseph Vacher ! Surnommé le "tueur de bergers", il s’agirait d’un soldat français réformé devenu vagabond qui aurait perpétré des dizaines de meurtres et égorgé au moins vingt femmes, avant d’être guillotiné, en décembre 1898, alors qu’il était encore séminariste à Fulda, en Allemagne. S’il se souvient si bien de cette sombre affaire, très suivie par la presse nationale française, c'est qu'elle a également attiré l'attention de bon nombre de journaux étrangers, y compris outre-Rhin. Et alors que les combats faisaient rage et que son unité était stationnée dans la petite commune d’Étrépilly, où elle s'était solidement retranchée, il a pris le temps de consulter les archives d'un petit journal local, découvrant que le juge d'instruction qui a dirigé le procès s’appelle Émile Fourquet et que le soldat qu’Oskar a tenté de sauver, Philippe, n’est autre que son fils ainé !
4 juillet 1918
Piqués dans leur curiosité, nos deux amis conviennent de se séparer afin d’accroître leur chance d'obtenir quelque réponse. C’est ainsi que Sebastian décide de se rendre au camp de Cantigny pour constater ce qu’il est advenu des tumulus et tenter d'en apprendre davantage sur le sort d’Adolf, mis aux arrêts à leur retour de Courcelles-Epayelles et pourtant introuvable, tandis que Vincent préfère s’intéresser aux effets personnels des prisonniers. Et alors que le premier croise bientôt la route de trois nouvelles créatures, étrangement calmes, que la simple vue suffit pourtant pour le convaincre de rebrousser chemin, le second met la main sur un carnet appartenant à Oskar. Les notes du médecin allemand, rédigées avec moult détails, témoignent de la dureté des combats et des conditions de vie effroyables auxquelles il a été confronté depuis son incorporation, au tout début du conflit, jusqu’à la bataille du bois de Belleau de juin dernier et l’attaque du village d’Étrépilly, où son unité s’était retranchée. Et alors qu'il explique comment il a fait aménager l'église du bourg en hôpital de fortune afin d'y accueillir les blessés, ses propos perdent progressivement toute cohérence, à l'instar de son écriture, de moins en moins lisible, jusqu’à devenir totalement incompréhensibles, à l’exception de quelques mots, tout aussi surprenants qu'énigmatiques : "il est parti avec Victoria, me voilà seul, entouré du vide qui m'écoute". Le lendemain matin, le soleil a cédé la place à un ciel pluvieux, lequel empêche la poursuite des travaux d’aménagement du camp, comme pour commémorer cette journée patriotique durant laquelle les américains ne sont pas censés travailler. Profitant de l’occasion, ainsi peut-être que de la naïveté du capitaine Thomas, subalterne du commandant Whittlesey, nos deux camarades empruntent un camion militaire et prennent la route en direction d’Étrépilly, à une centaine de kilomètres au nord-est, non loin de la ligne de front, sur les traces d’Oskar Blümm et de Philippe Fourquet.
Deux heures plus tard, alors que la pluie redouble d’intensité et qu'ils franchissent le pont qui enjambe la Thérouanne, à l’entrée du village, ils constatent avec effroi que tout, ou presque, a été détruit, exception faite de l’église, miraculeusement épargnée. pour le reste, des débris en tout genre jonchent le sol et la plupart des maisons sont ravagées. Sur place, ils font la connaissance de soldats français, dont certains font partie du régiment de Philippe Fourquet. L’un d’eux se souvient d'ailleurs très bien du malheureux et leur explique qu’il était obsédé par un étrange dessin dont il ne se séparait jamais. Gravement blessé lors de l'assaut, il le lui a justement confié avant de mourir afin qu'il le remette, une fois la guerre terminée, à son épouse, Mariette. Nos camarades parviennent sans grande difficulté à le convaincre de le leur céder, non sans prendre à leur compte la promesse faite à son ancien compagnon d'arme ; le sujet, un joueur de flûte dénué de visage et au corps atrophié, réalisé avec force détails, est effectivement aussi étrange qu'envoûtant. Poursuivant leur enquête, ils fouillent bientôt les locaux dévastés du journal local et comprennent qu’ils ne sont pas seuls à chercher des réponses, en attestent plusieurs articles traitant du procès de Jospeh Vacher, sûrement abandonnés lors de la récente offensive américaine. Fait plus troublant encore, ils découvrent que ledit dessin est en réalité la reproduction d'une étrange toile réalisée par Jospeh Vacher en personne, après qu'il ait obtenu, quelque temps avant son exécution, l'autorisation de peindre. Sans que l'on sache s'il s'agissait d'un authentique délire ou d'une énième tentative pour se faire passer pour fou, il prétendit qu’il s'agissait d'un "autoportrait" de son frère jumeau. La veille de son exécution, il l’offrit à son avocat, Antoine Chevrier, lequel le transmit à son tour au juge d'instruction Émile Fourquet. Sur le point de quitter les lieux, nos deux amis tombent enfin sur les pages arrachées d’une revue éditée par une galerie d’art lyonnaise. L'une d'entre elles présente trois œuvres exécutées cette fois-ci par Philippe Fourquet et mises en vente en 1911. Outre le style outrancier et irrévérencieux, ce sont surtout les thèmes abordés par ces scènes morbides qui les surprennent : la première évoque un homme décharné assis sur une chaise, tandis que son âme paraît se désincarner et quitter son corps physique, à moins que ce ne soit l’inverse. La seconde, particulièrement violente, figure le cadavre mutilé d’une femme nue, allongée sur le côté, le ventre béant, découpé en lambeaux. La troisième permet quant à elle d’observer les silhouettes émaciées d'une cavalière dénudée qui enlace le corps inerte d’un enfant et de sa monture. Mais alors qu'ils s'apprêtent à reprendre la route, les canons et mortiers ennemis se mettent à pilonner le village sans crier gare et un véritable déluge d’obus s'abat sur eux ! Pris au dépourvu, ils n’ont d’autre choix que de se terrer dans la cave située sous leurs pieds pendant de longues minutes, avant de profiter d'une courte accalmie et tenter de rejoindre le camion stationné non loin, passant de maison en maison pour rester à couvert, alors que ce qui reste de murs, de portes ou de toit s’effondre avec fracas à mesure qu’ils progressent et qu’un nombre incalculable de projectiles explosent tout autour d’eux en dispersant des gerbes de balles mortelles.
Prisonniers de guerre allemands, juillet 1918
Prisonniers de guerre allemands, juillet 1918
Soldats français dans les ruines d’Étrépilly, août 1918
4 juillet 1918
Piqués dans leur curiosité, nos deux amis conviennent de se séparer afin d’accroître leur chance d'obtenir quelque réponse. C’est ainsi que Sebastian décide de se rendre au camp de Cantigny pour constater ce qu’il est advenu des tumulus et tenter d'en apprendre davantage sur le sort d’Adolf, mis aux arrêts à leur retour de Courcelles-Epayelles et pourtant introuvable, tandis que Vincent préfère s’intéresser aux effets personnels des prisonniers. Et alors que le premier croise bientôt la route de trois nouvelles créatures, étrangement calmes, que la simple vue suffit pourtant pour le convaincre de rebrousser chemin, le second met la main sur un carnet appartenant à Oskar. Les notes du médecin allemand, rédigées avec moult détails, témoignent de la dureté des combats et des conditions de vie effroyables auxquelles il a été confronté depuis son incorporation, au tout début du conflit, jusqu’à la bataille du bois de Belleau de juin dernier et l’attaque du village d’Étrépilly, où son unité s’était retranchée. Et alors qu'il explique comment il a fait aménager l'église du bourg en hôpital de fortune afin d'y accueillir les blessés, ses propos perdent progressivement toute cohérence, à l'instar de son écriture, de moins en moins lisible, jusqu’à devenir totalement incompréhensibles, à l’exception de quelques mots, tout aussi surprenants qu'énigmatiques : "il est parti avec Victoria, me voilà seul, entouré du vide qui m'écoute". Le lendemain matin, le soleil a cédé la place à un ciel pluvieux, lequel empêche la poursuite des travaux d’aménagement du camp, comme pour commémorer cette journée patriotique durant laquelle les américains ne sont pas censés travailler. Profitant de l’occasion, ainsi peut-être que de la naïveté du capitaine Thomas, subalterne du commandant Whittlesey, nos deux camarades empruntent un camion militaire et prennent la route en direction d’Étrépilly, à une centaine de kilomètres au nord-est, non loin de la ligne de front, sur les traces d’Oskar Blümm et de Philippe Fourquet.
Deux heures plus tard, alors que la pluie redouble d’intensité et qu'ils franchissent le pont qui enjambe la Thérouanne, à l’entrée du village, ils constatent avec effroi que tout, ou presque, a été détruit, exception faite de l’église, miraculeusement épargnée. pour le reste, des débris en tout genre jonchent le sol et la plupart des maisons sont ravagées. Sur place, ils font la connaissance de soldats français, dont certains font partie du régiment de Philippe Fourquet. L’un d’eux se souvient d'ailleurs très bien du malheureux et leur explique qu’il était obsédé par un étrange dessin dont il ne se séparait jamais. Gravement blessé lors de l'assaut, il le lui a justement confié avant de mourir afin qu'il le remette, une fois la guerre terminée, à son épouse, Mariette. Nos camarades parviennent sans grande difficulté à le convaincre de le leur céder, non sans prendre à leur compte la promesse faite à son ancien compagnon d'arme ; le sujet, un joueur de flûte dénué de visage et au corps atrophié, réalisé avec force détails, est effectivement aussi étrange qu'envoûtant. Poursuivant leur enquête, ils fouillent bientôt les locaux dévastés du journal local et comprennent qu’ils ne sont pas seuls à chercher des réponses, en attestent plusieurs articles traitant du procès de Jospeh Vacher, sûrement abandonnés lors de la récente offensive américaine. Fait plus troublant encore, ils découvrent que ledit dessin est en réalité la reproduction d'une étrange toile réalisée par Jospeh Vacher en personne, après qu'il ait obtenu, quelque temps avant son exécution, l'autorisation de peindre. Sans que l'on sache s'il s'agissait d'un authentique délire ou d'une énième tentative pour se faire passer pour fou, il prétendit qu’il s'agissait d'un "autoportrait" de son frère jumeau. La veille de son exécution, il l’offrit à son avocat, Antoine Chevrier, lequel le transmit à son tour au juge d'instruction Émile Fourquet. Sur le point de quitter les lieux, nos deux amis tombent enfin sur les pages arrachées d’une revue éditée par une galerie d’art lyonnaise. L'une d'entre elles présente trois œuvres exécutées cette fois-ci par Philippe Fourquet et mises en vente en 1911. Outre le style outrancier et irrévérencieux, ce sont surtout les thèmes abordés par ces scènes morbides qui les surprennent : la première évoque un homme décharné assis sur une chaise, tandis que son âme paraît se désincarner et quitter son corps physique, à moins que ce ne soit l’inverse. La seconde, particulièrement violente, figure le cadavre mutilé d’une femme nue, allongée sur le côté, le ventre béant, découpé en lambeaux. La troisième permet quant à elle d’observer les silhouettes émaciées d'une cavalière dénudée qui enlace le corps inerte d’un enfant et de sa monture. Mais alors qu'ils s'apprêtent à reprendre la route, les canons et mortiers ennemis se mettent à pilonner le village sans crier gare et un véritable déluge d’obus s'abat sur eux ! Pris au dépourvu, ils n’ont d’autre choix que de se terrer dans la cave située sous leurs pieds pendant de longues minutes, avant de profiter d'une courte accalmie et tenter de rejoindre le camion stationné non loin, passant de maison en maison pour rester à couvert, alors que ce qui reste de murs, de portes ou de toit s’effondre avec fracas à mesure qu’ils progressent et qu’un nombre incalculable de projectiles explosent tout autour d’eux en dispersant des gerbes de balles mortelles.
5 au 8 juillet 1918
Les bombardements, aussi brefs que violents, ressemblent à s’y méprendre à une préparation d’artillerie annonciatrice d’un prochain assaut de l’infanterie ennemie, lequel sera sans aucun doute précédé d’un dernier tir de barrage qui finira de balayer le peu de bâtiments encore debout. Et alors qu'ils constatent que le pont qui enjambait la Thérouanne s'est effondré, frappé par un obus explosif, ils tombent sur un groupe d’une vingtaine de soldats du 23ème régiment d’infanterie française, accompagnés de cinq de leurs compatriotes. Tous se sont retranchés au rez-de-chaussée d'une masure aux murs épais de plusieurs dizaines de centimètres et dont le toit, sur lequel a été disposée une étoffe blanche à destination des avions alliés, s’est effondré. Le groupe, dont le moral est au plus bas, est sous le commandement du capitaine Édouard Nothier ; un officier bien décidé à tenir la position coûte que coûte jusqu’à l’arrivée des renforts qu'il a réclamé à son état-major par le biais d'un dernier pigeon voyageur. Heureux d'accueillir de nouveaux survivants, il leur expose immédiatement la situation ; les munitions sont limitées, ils n‘ont presque plus de vivres et ils n'ont pas non plus d‘équipement permettant d’aménager les lieux pour s’y abriter. Il poursuit en leur expliquant qu’ils sont coupés de leurs arrières et que les tirs semblent provenir d‘une colline située au nord de la commune, à proximité du village de Manœuvre. Supposé être tenu par les américains, le bourg est à un peu moins de cinq kilomètres d'Étrépilly. Tous savent que depuis le 26 juin dernier et la prise du bois de Belleau, le front a reculé mais que les lignes restent relativement floues, la faute à une série d'offensives et de contre-offensives des deux camps. Plusieurs saillants importants obligent cependant les allemands, manifestement pressés d'en finir, à maintenir leurs efforts, si bien que personne n’aurait pu imaginer pareille offensive, la cinquième depuis le mois de mars, laquelle pourrait bien leur permettre de séparer les armées alliées du nord de celles de l'est et de rejoindre Paris, qu'ils menacent à la fois par la vallée de l'Oise et les vallées de l'Ourcq et de la Marne. Toujours selon l’officier, quelques quatre-vingt-dix hommes étaient présents dans le village juste avant l’attaque, dont les deux-tiers étaient des américains de la 2ème Division d'Infanterie Américaine. Ils étaient chargés de préparer le site afin d’accueillir les premiers dépôts en eau potable et en munitions pour les troupes en première ligne qui se battent près des villages d’Oulchy-le-Château, de Vaux et de la cote 204, sur une ligne d’environ 55 kilomètres. Forts de ces explications, nos deux compagnons tentent de le convaincre d’abandonner la position, ce qu’il finit par accepter en donnant l’ordre de se replier en direction du village de Belleau, à quelques heures de marche seulement. Profitant d’une nouvelle accalmie, le groupe se met bientôt en route à travers champ afin de rejoindre la seconde ligne américaine qui, secondée par les troupes coloniales françaises, a vaillamment résisté aux derniers assauts de l'ennemi, après que ce dernier soit parvenu à atteindre Reims et qu'il ait entrepris de conquérir le terrain alentour. Arrivés sur place, nos deux amis prennent quelques heures pour se reposer avant de poursuivre leur périple et de s'en retourner à Cantigny. Il leur faudra deux jours d'un trajet éreintant, quoi que facilité par les quelques chariots civils qu’ils ont la chance de croiser, pour rejoindre lur destination. Sains et saufs, ils retrouvent leurs camarades et apprennent, non sans une certaine amertume, le décès d’Oskar Blümm. Le malheureux aura finalement préféré se pendre plutôt que de continuer à affronter les visions qui hantaient ses cauchemars ... c’est du moins ce que leur explique l’aumônier Behrens avant de les inviter à le rejoindre le soir même pour discuter plus longuement.
Soldats français dans les ruines d’Étrépilly, août 1918
Soldats français dans les ruines d’Étrépilly, août 1918
Hiver 1882
Alors qu’ils profitent du repas du soir pour prendre un peu de bon temps avec leurs camarades de régiment, nos deux amis apprennent que leurs récentes allées et venues ne sont pas passées inaperçues et que le jeune prêtre, pour ne citer que ce dernier, a cherché à plusieurs reprises à en apprendre davantage sur eux. Ils comprennent également qu’il a été le dernier à approcher la dépouille d’Oskar Blümm avant qu’elle ne soit rapatriée à Cantigny pour y être enterrée. Se remémorant leur toute première conversation, durant laquelle il n’avait pas hésité à évoquer la théorie saugrenue selon laquelle l'esprit de Joseph Vacher aurait pris possession du corps du malheureux médecin, ils se rendent à l’infirmerie pour y subtiliser quelques ingrédients nécessaires à la confection d'un puissant somnifère, avant de le rejoindre. L’aumônier les accueille sous sa tente, alors qu’un nouvel orage fait son apparition. Soucieux de les mettre à l’aise, il leur propose de partager quelques cigarettes françaises, accompagnées d’un peu d’alcool, si bien que la pièce est rapidement envahie d’une fumée bleuâtre qui s’épaissie à mesure qu’ils discutent. C’est dans cette ambiance insolite qu’il leur confie bientôt s’être toujours intéressé aux phénomènes mystérieux, aux légendes du passé, ce qui lui aurait valu quelques soucis avec les autorités ecclésiastiques. Il aurait également fréquenté de nombreuses bibliothèques et levé le voile, bien malgré lui, sur plusieurs secrets oubliés. Ironiquement, alors qu’il poursuivait ses investigations de son côté, seul, la guerre l’a mis sur le chemin du lieutenant Gerhard Reitner, lequel lui aurait enseigné un savoir qu’il se propose de partager à son tour avec nos deux amis, arguant qu'un effroyable danger menace l’humanité toute entière ; un danger "si terrible que les facultés limitées des hommes ne leur permettront jamais de le mesurer totalement, à moins qu’ils acceptent d’observer ce qui existe par-delà ce qu'ils considèrent comme étant la réalité …" D’abord suspicieux, d’autant que la prochaine étape ressemble à s'y méprendre à une banale séance d’hypnose, ils finissent par accepter sa proposition, non sans prendre soin de le ligoter fermement et de le bâillonner pour éviter toute intervention extérieure. Ils avalent ensuite cul sec un breuvage censé les plonger dans un profond sommeil … pour se retrouver quelques instants plus tard dans une calèche stationnée devant l’entrée d’un imposant manoir à l'architecture typiquement élisabéthaine. Interloqués, ils réalisent qu’ils sont recouverts d’une épaisse couverture qui les protège du froid glacial et vêtus de vêtements de voyage en tweed. Le cocher, le visage emmitouflé dans une large écharpe, se tourne alors dans leur direction : "docteur Watson, Monsieur Holmes, bienvenus à Barlhey House". Sans qu’ils parviennent à se l’expliquer, ils se savent en Angleterre, près de Stamford, dans le Cambridgeshire, autrement dit bien loin de l’appartement cossu qu’ils partagent habituellement à Londres, au 221B Baker Street. Le premier, Vincent, de taille moyenne, est doté d’un charme naturel indéniable. Robuste, la mâchoire carrée, le cou épais, il arbore une épaisse moustache, une casquette vissée sur la tête. Son camarade, Sebastian, légèrement plus grand mais également plus maigre, possède pour sa part un visage anguleux, des cheveux noirs et des lèvres minces et fermes. Ses yeux gris et particulièrement vifs jettent un regard satisfait en direction de sa montre à gousset, sur laquelle est accroché le souverain offert par Irène Adler. Avant même de pouvoir échanger quelques mots, les deux hommes sont interpellés par l’inspecteur en chef Thomson, un proche de Sir William Redfield, le propriétaire des lieux. Ce dernier leur explique que la fille unique de son ami, Isabelle, est décédée le matin même au cours d’une partie de chasse organisée pour occuper les relations, parents et amis de la famille. Cavalière expérimentée, elle s’est tuée en chutant de cheval. Son père, incapable d’accepter pareille tragédie, est convaincu qu’elle a été assassinée et a fait appel à la police locale pour démasquer le coupable, qu’il soupçonne être un membre de son entourage. Curieusement, le sort de la malheureuse n’est pas sans rappeler au détective privé celui de "sa" propre grand-mère, Victoria, laquelle a connu un destin similaire quelques mois plus tôt, alors qu’elle se promenait dans la propriété familiale de Newburyport …
5 au 8 juillet 1918
Les bombardements, aussi brefs que violents, ressemblent à s’y méprendre à une préparation d’artillerie annonciatrice d’un prochain assaut de l’infanterie ennemie, lequel sera sans aucun doute précédé d’un dernier tir de barrage qui finira de balayer le peu de bâtiments encore debout. Et alors qu'ils constatent que le pont qui enjambait la Thérouanne s'est effondré, frappé par un obus explosif, ils tombent sur un groupe d’une vingtaine de soldats du 23ème régiment d’infanterie française, accompagnés de cinq de leurs compatriotes. Tous se sont retranchés au rez-de-chaussée d'une masure aux murs épais de plusieurs dizaines de centimètres et dont le toit, sur lequel a été disposée une étoffe blanche à destination des avions alliés, s’est effondré. Le groupe, dont le moral est au plus bas, est sous le commandement du capitaine Édouard Nothier ; un offcier bien décidé à tenir la position coûte que coûte jusqu’à l’arrivée des renforts qu'il a réclamé à son état-major par le biais d'un dernier pigeon voyageur. Heureux d'accueillir de nouveaux survivants, il leur expose immédiatement la situation ; les munitions sont limitées, ils n‘ont presque plus de vivres et ils n'ont pas non plus d‘équipement permettant d’aménager les lieux pour s’y abriter. Il poursuit en leur expliquant qu’ils sont coupés de leurs arrières et que les tirs semblent provenir d‘une colline située au nord de la commune, à proximité du village de Manœuvre. Supposé être tenu par les américains, le bourg est à un peu moins de cinq kilomètres d'Étrépilly. Tous savent que depuis le 26 juin dernier et la prise du bois de Belleau, le front a reculé mais que les lignes restent relativement floues, la faute à une série d'offensives et de contre-offensives des deux camps. Plusieurs saillants importants obligent cependant les allemands, manifestement pressés d'en finir, à maintenir leurs efforts, si bien que personne n’aurait pu imaginer pareille offensive, la cinquième depuis le mois de mars, laquelle pourrait bien leur permettre de séparer les armées alliées du nord de celles de l'est et de rejoindre Paris, qu'ils menacent à la fois par la vallée de l'Oise et les vallées de l'Ourcq et de la Marne. Toujours selon l’officier, quelques quatre-vingt-dix hommes étaient présents dans le village juste avant l’attaque, dont les deux-tiers étaient des américains de la 2ème Division d'Infanterie Américaine. Ils étaient chargés de préparer le site afin d’accueillir les premiers dépôts en eau potable et en munitions pour les troupes en première ligne qui se battent près des villages d’Oulchy-le-Château, de Vaux et de la cote 204, sur une ligne d’environ 55 kilomètres. Forts de ces explications, nos deux compagnons tentent de le convaincre d’abandonner la position, ce qu’il finit par accepter en donnant l’ordre de se replier en direction du village de Belleau, à quelques heures de marche seulement. Profitant d’une nouvelle accalmie, le groupe se met bientôt en route à travers champ afin de rejoindre la seconde ligne américaine qui, secondée par les troupes coloniales françaises, a vaillamment résisté aux derniers assauts de l'ennemi, après que ce dernier soit parvenu à atteindre Reims et qu'il ait entrepris de conquérir le terrain alentour. Arrivés sur place, nos deux amis prennent quelques heures pour se reposer avant de poursuivre leur périple et de s'en retourner à Cantigny. Il leur faudra deux jours d'un trajet éreintant, quoi que facilité par les quelques chariots civils qu’ils ont la chance de croiser, pour rejoindre leur destination. Sains et saufs, ils retrouvent leurs camarades et apprennent, non sans une certaine amertume, le décès d’Oskar Blümm. Le malheureux aura finalement préféré se pendre plutôt que de continuer à affronter les visions qui hantaient ses cauchemars ... c’est du moins ce que leur explique l’aumônier Behrens avant des les inviter à le rejoindre le soir même pour discuter plus longuement.
Cercle de pierres d'Amesbury, juin 1926
Été 1901
Nos deux comparses s’intéressent tout naturellement aux membres de la famille présents lors de l’accident, ainsi qu’aux invités et aux domestiques. Le détective, doté d’un esprit d’analyse couplé d’un sens de l’observation remarquable pour tout ce qui peut l'aider à résoudre des crimes en général, comprend que l’un des convives, le jeune Alan Bates, fils ainé d’une prestigieuse famille de la région, entretenait une relation secrète avec la défunte. Il devine également que l’une des domestiques, la jeune et jolie Julia, n'est autre que la maîtresse de Sir William Redfield. De son côté, Watson entreprend d’ausculter la dépouille d'Isabelle. C’est ainsi, alors qu’ils sont finalement tous deux réunis devant le corps sans vie de la malheureuse, qu’ils découvrent qu’elle était enceinte de plusieurs semaines, peut-être même plusieurs mois. Elle présente par ailleurs de nombreuses traces accréditant la thèse de l’accident. Fait plus étrange, une forte odeur de terre humide, mélangée à celles de la paille et du crottin de cheval, se dégage du cadavre, comme autant d’indices menant tout droit vers les écuries, où ils décident de se rendre sans tarder. Sur le chemin, ils prennent cependant le temps d’interroger le jeune Bates, lequel leur confirme leur relation et le fait qu’Isabelle était bien enceinte. Ils apprennent à cette occasion que le cheval, une pouliche de quatre ans prénommée Irène, a été abattue sur ordre de Sir William Redfield. Une fois sur place, ils ont tôt fait de retourner le foin présent dans le box vide et de découvrir l’existence d’une trappe, laquelle donne sur un escalier qui s’enfonce dans les profondeurs. Chacun d’entre eux emprunte l’étroit passage et descend soixante-dix marches de pierre, au pied desquelles se trouve une petite porte qui donne sur une caverne dans laquelle brûle un feu de bois. Au fond de la pièce, ils distinguent deux portes ; celle de gauche est entrebâillée et donne sur un second couloir, tandis que la deuxième, d’où s’échappe une litanie provenant d’un mécanisme musical à manivelle, est verrouillée. Devant l’âtre, ils peuvent observer une table sur laquelle est posé un revolver militaire à percussion datant de la guerre Franco-Prussienne de 1870 ; un six coups dont le barillet ne compte plus que cinq balles et dont le canon dégage une forte odeur de poudre.
Bien décidés à comprendre ce que tout cela peut bien signifier, ils décident de poursuivre plus avant et empruntent le second couloir. Ce dernier mène à une nouvelle la porte, qu’ils franchissent sans hésiter, avant d’atterrir dans une vaste clairière, à l’orée du bois qui entoure la résidence des Redfield, à ceci près qu’ils ne sont plus à Burghley House. Vincent croit en effet reconnaitre les lieux, d’autant qu’ils sont désormais âgés d’une dizaine d’années ; ils sont toujours en Angleterre, mais à Avebury, dans le Wiltshire. Ses parents, qui se rendaient régulièrement à Amesbury pour les vacances d’été, une ville toute proche située non loin du site préhistorique de Stonehenge, l’ont à plusieurs reprises confié aux sœurs de la Fraternité afin qu’il côtoie des enfants de son âge. Quelque peu désorientés, ne sachant plus que faire, ils décident finalement de poursuivre leurs investigations et de fouiller les lieux en quête d'éventuels indices à propos de l’accident qui a couté la vie à la jeune Isabelle. Et contre toute attente, alors qu’ils se trouvent non loin d’une immense demeure entourée d’un parc parfaitement entretenu, ils mettent à jour une cachette permettant d’attendre discrètement le passage de la cavalière et de sa monture. De quoi s’intéresser aux propriétaires de la maison, lesquels ont peut-être entendu ou vu quelque chose. Arrivés à proximité de la bâtisse, ils découvrent un gigantesque labyrinthe de buis, réalisé sur le modèle de ceux qui existent dans nombre de propriétés britanniques. Irrémédiablement attirés, ils s’enfoncent bientôt dans les méandres du dédale végétal, tandis que leurs esprits juvéniles commencent à leur jouer des tours. Et alors qu’ils se croient perdus, que les haies sont devenues des murs infranchissables et que la nuit commence à tomber, ils entendent les pleurs d’un jeune garçon. Guidés par les sanglots, ils parviennent non sans mal à rejoindre le petit Anthony, prostré dans un recoin, en proie à une intense peur. À quelques pas de lui, un autre enfant les scrute, le visage en partie arraché par un tir d’arme à feu. Et tandis qu’il se tourne lentement vers eux, il demande d’une voix sépulcrale : "pourquoi m’avoir tué ?". Face à pareille vision, ils sont saisis d’horreur et fuient à toutes jambes, alors que la pluie tombe désormais à verse. Par chance, ils parviennent à sortir du labyrinthe et traversent le parc en direction des bois tout proches. Poursuivis par la créature, ils n’ont cependant d’autre choix que de se terrer dans les fourrés afin de lui échapper et de s’abriter par la même occasion de la pluie et du froid. Blottis l'un contre l'autre, effrayés, épuisés, ils finissent par s’endormir … avant de se réveiller au petit matin, désorientés mais vivants. Après s’être assuré que leur poursuivant a bel et bien disparu, ils décident de retourner au camp des religieuses. C’est alors qu’ils entendent le bruit sourd de sabots lancés à pleine vitesse. N’écoutant que son courage, Vincent s’extirpe de la cachette, à l’orée du bois, et tombe nez à nez avec un cheval au galop. Surprise, la monture se cabre, faisant lourdement chuter sa cavalière. Aucun de nos deux amis n’a le temps de réagir, et tous deux se réveillent une fois encore, en présence cette fois-ci d’Hens Berens. L’esprit embrumé, à l’instar de la tente de l’aumônier, toujours envahie d’une épaisse fumée bleuâtre, ils laissent derrière eux le comté de Wiltshire et rejoignent le Monde de l'Éveil …
Rade du port de Brest, septembre 1918
IV. Par-delà le mur du sommeil
23 novembre 1918
Ideoque fertur neminem aliquando ob haec vel similia poenae addictum oblato de more elogio revocari iussisse, quod inexorabiles quoque principes factitarunt. et exitiale hoc vitium, quod in aliis non numquam intepescit, in illo aetatis progressu effervescebat, obstinatum eius propositum accendente adulatorum. Unde Rufinus ea tempestate praefectus praetorio ad discrimen trusus est ultimum. ire enim ipse compellebatur ad militem, quem exagitabat inopia simul et feritas, et alioqui coalito more in ordinarias dignitates asperum semper et saevum, ut satisfaceret atque monstraret, quam ob causam annonae convectio sit impedita. Eodem tempore etiam Hymetii praeclarae indolis viri negotium est actitatum, cuius hunc novimus esse textum. cum Africam pro consule regeret Carthaginiensibus victus inopia iam lassatis, ex horreis Romano populo destinatis frumentum dedit, pauloque postea cum provenisset segetum copia, integre sine ulla restituit mora. Vide, quantum, inquam, fallare, Torquate. oratio me istius philosophi non offendit; nam et complectitur verbis, quod vult, et dicit plane, quod intellegam; et tamen ego a philosopho, si afferat eloquentiam, non asperner, si non habeat, non admodum flagitem. re mihi non aeque satisfacit, et quidem locis pluribus. sed quot homines, tot sententiae; falli igitur possumus. Duplexque isdem diebus acciderat malum, quod et Theophilum insontem atrox interceperat casus, et Serenianus dignus exsecratione cunctorum, innoxius, modo non reclamante publico vigore, discessit. Ex his quidam aeternitati se commendari posse per statuas aestimantes eas ardenter adfectant quasi plus praemii de figmentis aereis sensu carentibus adepturi, quam ex conscientia honeste recteque factorum, easque auro curant inbracteari, quod Acilio Glabrioni delatum est primo, cum consiliis armisque regem superasset Antiochum. quam autem sit pulchrum exigua haec spernentem et minima ad ascensus verae gloriae tendere longos et arduos, ut memorat vates Ascraeus, Censorius Cato monstravit. qui interrogatus quam ob rem inter multos... statuam non haberet malo inquit ambigere bonos quam ob rem id non meruerim, quam quod est gravius cur inpetraverim mussitare. Cuius acerbitati uxor grave accesserat incentivum, germanitate Augusti turgida supra modum, quam Hannibaliano regi fratris filio antehac Constantinus iunxerat pater, Megaera quaedam mortalis, inflammatrix saevientis adsidua, humani cruoris avida nihil mitius quam maritus; qui paulatim eruditiores facti processu temporis ad nocendum per clandestinos versutosque rumigerulos conpertis leviter addere quaedam male suetos falsa et placentia sibi discentes, adfectati regni vel artium nefandarum calumnias insontibus adfligebant. Proinde die funestis interrogationibus praestituto imaginarius iudex equitum resedit magister adhibitis aliis iam quae essent agenda praedoctis, et adsistebant hinc inde notarii, quid quaesitum esset, quidve responsum, cursim ad Caesarem perferentes, cuius imperio truci, stimulis reginae exsertantis aurem subinde per aulaeum, nec diluere obiecta permissi nec defensi periere conplures.
Quibus occurrere bene pertinax miles explicatis ordinibus parans hastisque feriens scuta qui habitus iram pugnantium concitat et dolorem proximos iam gestu terrebat sed eum in certamen alacriter consurgentem revocavere ductores rati intempestivum anceps subire certamen cum haut longe muri distarent, quorum tutela securitas poterat in solido locari cunctorum. Haec subinde Constantius audiens et quaedam referente Thalassio doctus, quem eum odisse iam conpererat lege communi, scribens ad Caesarem blandius adiumenta paulatim illi subtraxit, sollicitari se simulans ne, uti est militare otium fere tumultuosum, in eius perniciem conspiraret, solisque scholis iussit esse contentum palatinis et protectorum cum Scutariis et Gentilibus, et mandabat Domitiano, ex comite largitionum, praefecto ut cum in Syriam venerit, Gallum, quem crebro acciverat, ad Italiam properare blande hortaretur et verecunde. Accedat huc suavitas quaedam oportet sermonum atque morum, haudquaquam mediocre condimentum amicitiae. Tristitia autem et in omni re severitas habet illa quidem gravitatem, sed amicitia remissior esse debet et liberior et dulcior et ad omnem comitatem facilitatemque proclivior. Harum trium sententiarum nulli prorsus assentior. Nec enim illa prima vera est, ut, quem ad modum in se quisque sit, sic in amicum sit animatus. Quam multa enim, quae nostra causa numquam faceremus, facimus causa amicorum! precari ab indigno, supplicare, tum acerbius in aliquem invehi insectarique vehementius, quae in nostris rebus non satis honeste, in amicorum fiunt honestissime; multaeque res sunt in quibus de suis commodis viri boni multa detrahunt detrahique patiuntur, ut iis amici potius quam ipsi fruantur. Latius fama vulgasset missaeque relationes adsiduae Gallum Caesarem permovissent, quoniam magister equitum longius ea tempestate distinebatur, iussus comes orientis Nebridius contractis undique militaribus copiis ad eximendam periculo civitatem amplam et oportunam studio properabat ingenti, quo cognito abscessere latrones nulla re amplius memorabili gesta, dispersique ut solent avia montium petiere celsorum. Restabat ut Caesar post haec properaret accitus et abstergendae causa suspicionis sororem suam, eius uxorem, Constantius ad se tandem desideratam venire multis fictisque blanditiis hortabatur. quae licet ambigeret metuens saepe cruentum, spe tamen quod eum lenire poterit ut germanum profecta, cum Bithyniam introisset, in statione quae Caenos. Incenderat autem audaces usque ad insaniam homines ad haec, quae nefariis egere conatibus, Luscus quidam curator urbis subito visus: eosque ut heiulans baiolorum praecentor ad expediendum quod orsi sunt incitans vocibus crebris. qui haut longe postea ideo vivus exustus est. Sed tamen haec cum ita tutius observentur, quidam vigore artuum inminuto rogati ad nuptias ubi aurum dextris manibus cavatis offertur, inpigre vel usque Spoletium pergunt. haec nobilium sunt instituta. Cyprum itidem insulam procul a continenti discretam et portuosam inter municipia crebra urbes duae faciunt claram Salamis et Paphus, altera Iovis delubris altera Veneris templo insignis. tanta autem tamque multiplici fertilitate abundat rerum omnium eadem Cyprus ut nullius externi indigens adminiculi indigenis viribus a fundamento ipso carinae ad supremos usque carbasos aedificet onerariam navem omnibusque armamentis instructam mari committat.
Hiver 1882
Alors qu’ils profitent du repas du soir pour prendre un peu de bon temps avec leurs camarades de régiment, nos deux amis apprennent que leurs récentes allées et venues ne sont pas passées inaperçues et que le jeune prêtre, pour ne citer que ce dernier, a cherché à plusieurs reprises à en apprendre davantage sur eux. Ils comprennent également qu’il a été le dernier à approcher la dépouille d’Oskar Blümm avant qu’elle ne soit rapatriée à Cantigny pour y être enterrée. Se remémorant leur toute première conversation, durant laquelle il n’avait pas hésité à évoquer la théorie saugrenue selon laquelle l'esprit de Joseph Vacher aurait pris possession du corps du malheureux médecin, ils se rendent à l’infirmerie pour y subtiliser quelques ingrédients nécessaires à la confection d'un puissant somnifère, avant de le rejoindre. L’aumônier les accueille sous sa tente, alors qu’un nouvel orage fait son apparition. Soucieux de les mettre à l’aise, il leur propose de partager quelques cigarettes françaises, accompagnées d’un peu d’alcool, si bien que la pièce est rapidement envahie d’une fumée bleuâtre qui s’épaissie à mesure qu’ils discutent. C’est dans cette ambiance insolite qu’il leur confie bientôt s’être toujours intéressé aux phénomènes mystérieux, aux légendes du passé, ce qui lui aurait valu quelques soucis avec les autorités ecclésiastiques. Il aurait également fréquenté de nombreuses bibliothèques et levé le voile, bien malgré lui, sur plusieurs secrets oubliés. Ironiquement, alors qu’il poursuivait ses investigations de son côté, seul, la guerre l’a mis sur le chemin du lieutenant Gerhard Reitner, lequel lui aurait enseigné un savoir qu’il se propose de partager à son tour avec nos deux amis, arguant qu'un effroyable danger menace l’humanité toute entière ; un danger "si terrible que les facultés limitées des hommes ne leur permettront jamais de le mesurer totalement, à moins qu’ils acceptent d’observer ce qui existe par-delà ce qu'ils considèrent comme étant la réalité …" D’abord suspicieux, d’autant que la prochaine étape ressemble à s'y méprendre à une banale séance d’hypnose, ils finissent par accepter sa proposition, non sans prendre soin de le ligoter fermement et de le bâillonner pour éviter toute intervention extérieure. Ils avalent ensuite cul sec un breuvage censé les plonger dans un profond sommeil … pour se retrouver quelques instants plus tard dans une calèche stationnée devant l’entrée d’un imposant manoir à l'architecture typiquement élisabéthaine. Interloqués, ils réalisent qu’ils sont recouverts d’une épaisse couverture qui les protège du froid glacial et vêtus de vêtements de voyage en tweed. Le cocher, le visage emmitouflé dans une large écharpe, se tourne alors dans leur direction : "docteur Watson, Monsieur Holmes, bienvenus à Barlhey House". Sans qu’ils parviennent à se l’expliquer, ils se savent en Angleterre, près de Stamford, dans le Cambridgeshire, autrement dit bien loin de l’appartement cossu qu’ils partagent habituellement à Londres, au 221B Baker Street. Le premier, Vincent, de taille moyenne, est doté d’un charme naturel indéniable. Robuste, la mâchoire carrée, le cou épais, il arbore une épaisse moustache, une casquette vissée sur la tête. Son camarade, Sebastian, légèrement plus grand mais également plus maigre, possède pour sa part un visage anguleux, des cheveux noirs et des lèvres minces et fermes. Ses yeux gris et particulièrement vifs jettent un regard satisfait en direction de sa montre à gousset, sur laquelle est accroché le souverain offert par Irène Adler. Avant même de pouvoir échanger quelques mots, les deux hommes sont interpellés par l’inspecteur en chef Thomson, un proche de Sir William Redfield, le propriétaire des lieux. Ce dernier leur explique que la fille unique de son ami, Isabelle, est décédée le matin même au cours d’une partie de chasse organisée pour occuper les relations, parents et amis de la famille. Cavalière expérimentée, elle s’est tuée en chutant de cheval. Son père, incapable d’accepter pareille tragédie, est convaincu qu’elle a été assassinée et a fait appel à la police locale pour démasquer le coupable, qu’il soupçonne être un membre de son entourage. Curieusement, le sort de la malheureuse n’est pas sans rappeler au détective privé celui de "sa" propre grand-mère, Victoria, laquelle a connu un destin similaire quelques mois plus tôt, alors qu’elle se promenait dans la propriété familiale de Newburyport …
Cercle de pierres d'Amesbury, juin 1926
Cercle de pierres d'Amesbury, juin 1926
Été 1901
Nos deux comparses s’intéressent tout naturellement aux membres de la famille présents lors de l’accident, ainsi qu’aux invités et aux domestiques. Le détective, doté d’un esprit d’analyse couplé d’un sens de l’observation remarquable pour tout ce qui peut l'aider à résoudre des crimes en général, comprend que l’un des convives, le jeune Alan Bates, fils ainé d’une prestigieuse famille de la région, entretenait une relation secrète avec la défunte. Il devine également que l’une des domestiques, la jeune et jolie Julia, n'est autre que la maîtresse de Sir William Redfield. De son côté, Watson entreprend d’ausculter la dépouille d'Isabelle. C’est ainsi, alors qu’ils sont finalement tous deux réunis devant le corps sans vie de la malheureuse, qu’ils découvrent qu’elle était enceinte de plusieurs semaines, peut-être même plusieurs mois. Elle présente par ailleurs de nombreuses traces accréditant la thèse de l’accident. Fait plus étrange, une forte odeur de terre humide, mélangée à celles de la paille et du crottin de cheval, se dégage du cadavre, comme autant d’indices menant tout droit vers les écuries, où ils décident de se rendre sans tarder. Sur le chemin, ils prennent cependant le temps d’interroger le jeune Bates, lequel leur confirme leur relation et le fait qu’Isabelle était bien enceinte. Ils apprennent à cette occasion que le cheval, une pouliche de quatre ans prénommée Irène, a été abattue sur ordre de Sir William Redfield. Une fois sur place, ils ont tôt fait de retourner le foin présent dans le box vide et de découvrir l’existence d’une trappe, laquelle donne sur un escalier qui s’enfonce dans les profondeurs. Chacun d’entre eux emprunte l’étroit passage et descend soixante-dix marches de pierre, au pied desquelles se trouve une petite porte qui donne sur une caverne dans laquelle brûle un feu de bois. Au fond de la pièce, ils distinguent deux portes ; celle de gauche est entrebâillée et donne sur un second couloir, tandis que la deuxième, d’où s’échappe une litanie provenant d’un mécanisme musical à manivelle, est verrouillée. Devant l’âtre, ils peuvent observer une table sur laquelle est posé un revolver militaire à percussion datant de la guerre Franco-Prussienne de 1870 ; un six coups dont le barillet ne compte plus que cinq balles et dont le canon dégage une forte odeur de poudre.
Bien décidés à comprendre ce que tout cela peut bien signifier, ils décident de poursuivre plus avant et empruntent le second couloir. Ce dernier mène à une nouvelle la porte, qu’ils franchissent sans hésiter, avant d’atterrir dans une vaste clairière, à l’orée du bois qui entoure la résidence des Redfield, à ceci près qu’ils ne sont plus à Burghley House. Vincent croit en effet reconnaitre les lieux, d’autant qu’ils sont désormais âgés d’une dizaine d’années ; ils sont toujours en Angleterre, mais à Avebury, dans le Wiltshire. Ses parents, qui se rendaient régulièrement à Amesbury pour les vacances d’été, une ville toute proche située non loin du site préhistorique de Stonehenge, l’ont à plusieurs reprises confié aux sœurs de la Fraternité afin qu’il côtoie des enfants de son âge. Quelque peu désorientés, ne sachant plus que faire, ils décident finalement de poursuivre leurs investigations et de fouiller les lieux en quête d'éventuels indices à propos de l’accident qui a couté la vie à la jeune Isabelle. Et contre toute attente, alors qu’ils se trouvent non loin d’une immense demeure entourée d’un parc parfaitement entretenu, ils mettent à jour une cachette permettant d’attendre discrètement le passage de la cavalière et de sa monture. De quoi s’intéresser aux propriétaires de la maison, lesquels ont peut-être entendu ou vu quelque chose. Arrivés à proximité de la bâtisse, ils découvrent un gigantesque labyrinthe de buis, réalisé sur le modèle de ceux qui existent dans nombre de propriétés britanniques. Irrémédiablement attirés, ils s’enfoncent bientôt dans les méandres du dédale végétal, tandis que leurs esprits juvéniles commencent à leur jouer des tours. Et alors qu’ils se croient perdus, que les haies sont devenues des murs infranchissables et que la nuit commence à tomber, ils entendent les pleurs d’un jeune garçon. Guidés par les sanglots, ils parviennent non sans mal à rejoindre le petit Anthony, prostré dans un recoin, en proie à une intense peur. À quelques pas de lui, un autre enfant les scrute, le visage en partie arraché par un tir d’arme à feu. Et tandis qu’il se tourne lentement vers eux, il demande d’une voix sépulcrale : "pourquoi m’avoir tué ?". Face à pareille vision, ils sont saisis d’horreur et fuient à toutes jambes, alors que la pluie tombe désormais à verse. Par chance, ils parviennent à sortir du labyrinthe et traversent le parc en direction des bois tout proches. Poursuivis par la créature, ils n’ont cependant d’autre choix que de se terrer dans les fourrés afin de lui échapper et de s’abriter par la même occasion de la pluie et du froid. Blottis l'un contre l'autre, effrayés, épuisés, ils finissent par s’endormir … avant de se réveiller au petit matin, désorientés mais vivants. Après s’être assuré que leur poursuivant a bel et bien disparu, ils décident de retourner au camp des religieuses. C’est alors qu’ils entendent le bruit sourd de sabots lancés à pleine vitesse. N’écoutant que son courage, Vincent s’extirpe de la cachette, à l’orée du bois, et tombe nez à nez avec un cheval au galop. Surprise, la monture se cabre, faisant lourdement chuter sa cavalière. Aucun de nos deux amis n’a le temps de réagir, et tous deux se réveillent une fois encore, en présence cette fois-ci d’Hens Berens. L’esprit embrumé, à l’instar de la tente de l’aumônier, toujours envahie d’une épaisse fumée bleuâtre, ils laissent derrière eux le comté de Wiltshire et rejoignent le Monde de l'Éveil …
Rade du port de Brest, septembre 1918
Rade du port de Brest, septembre 1918
IV. Par-delà le mur du sommeil
Ideoque fertur neminem aliquando ob haec vel similia poenae addictum oblato de more elogio revocari iussisse, quod inexorabiles quoque principes factitarunt. et exitiale hoc vitium, quod in aliis non numquam intepescit, in illo aetatis progressu effervescebat, obstinatum eius propositum accendente adulatorum. Unde Rufinus ea tempestate praefectus praetorio ad discrimen trusus est ultimum. ire enim ipse compellebatur ad militem, quem exagitabat inopia simul et feritas, et alioqui coalito more in ordinarias dignitates asperum semper et saevum, ut satisfaceret atque monstraret, quam ob causam annonae convectio sit impedita. Eodem tempore etiam Hymetii praeclarae indolis viri negotium est actitatum, cuius hunc novimus esse textum. cum Africam pro consule regeret Carthaginiensibus victus inopia iam lassatis, ex horreis Romano populo destinatis frumentum dedit, pauloque postea cum provenisset segetum copia, integre sine ulla restituit mora. Vide, quantum, inquam, fallare, Torquate. oratio me istius philosophi non offendit; nam et complectitur verbis, quod vult, et dicit plane, quod intellegam; et tamen ego a philosopho, si afferat eloquentiam, non asperner, si non habeat, non admodum flagitem. re mihi non aeque satisfacit, et quidem locis pluribus. sed quot homines, tot sententiae; falli igitur possumus. Duplexque isdem diebus acciderat malum, quod et Theophilum insontem atrox interceperat casus, et Serenianus dignus exsecratione cunctorum, innoxius, modo non reclamante publico vigore, discessit. Ex his quidam aeternitati se commendari posse per statuas aestimantes eas ardenter adfectant quasi plus praemii de figmentis aereis sensu carentibus adepturi, quam ex conscientia honeste recteque factorum, easque auro curant inbracteari, quod Acilio Glabrioni delatum est primo, cum consiliis armisque regem superasset Antiochum. quam autem sit pulchrum exigua haec spernentem et minima ad ascensus verae gloriae tendere longos et arduos, ut memorat vates Ascraeus, Censorius Cato monstravit. qui interrogatus quam ob rem inter multos... statuam non haberet malo inquit ambigere bonos quam ob rem id non meruerim, quam quod est gravius cur inpetraverim mussitare. Cuius acerbitati uxor grave accesserat incentivum, germanitate Augusti turgida supra modum, quam Hannibaliano regi fratris filio antehac Constantinus iunxerat pater, Megaera quaedam mortalis, inflammatrix saevientis adsidua, humani cruoris avida nihil mitius quam maritus; qui paulatim eruditiores facti processu temporis ad nocendum per clandestinos versutosque rumigerulos conpertis leviter addere quaedam male suetos falsa et placentia sibi discentes, adfectati regni vel artium nefandarum calumnias insontibus adfligebant. Proinde die funestis interrogationibus praestituto imaginarius iudex equitum resedit magister adhibitis aliis iam quae essent agenda praedoctis, et adsistebant hinc inde notarii, quid quaesitum esset, quidve responsum, cursim ad Caesarem perferentes, cuius imperio truci, stimulis reginae exsertantis aurem subinde per aulaeum, nec diluere obiecta permissi nec defensi periere conplures.
Quibus occurrere bene pertinax miles explicatis ordinibus parans hastisque feriens scuta qui habitus iram pugnantium concitat et dolorem proximos iam gestu terrebat sed eum in certamen alacriter consurgentem revocavere ductores rati intempestivum anceps subire certamen cum haut longe muri distarent, quorum tutela securitas poterat in solido locari cunctorum. Haec subinde Constantius audiens et quaedam referente Thalassio doctus, quem eum odisse iam conpererat lege communi, scribens ad Caesarem blandius adiumenta paulatim illi subtraxit, sollicitari se simulans ne, uti est militare otium fere tumultuosum, in eius perniciem conspiraret, solisque scholis iussit esse contentum palatinis et protectorum cum Scutariis et Gentilibus, et mandabat Domitiano, ex comite largitionum, praefecto ut cum in Syriam venerit, Gallum, quem crebro acciverat, ad Italiam properare blande hortaretur et verecunde. Accedat huc suavitas quaedam oportet sermonum atque morum, haudquaquam mediocre condimentum amicitiae. Tristitia autem et in omni re severitas habet illa quidem gravitatem, sed amicitia remissior esse debet et liberior et dulcior et ad omnem comitatem facilitatemque proclivior. Harum trium sententiarum nulli prorsus assentior. Nec enim illa prima vera est, ut, quem ad modum in se quisque sit, sic in amicum sit animatus. Quam multa enim, quae nostra causa numquam faceremus, facimus causa amicorum! precari ab indigno, supplicare, tum acerbius in aliquem invehi insectarique vehementius, quae in nostris rebus non satis honeste, in amicorum fiunt honestissime; multaeque res sunt in quibus de suis commodis viri boni multa detrahunt detrahique patiuntur, ut iis amici potius quam ipsi fruantur. Latius fama vulgasset missaeque relationes adsiduae Gallum Caesarem permovissent, quoniam magister equitum longius ea tempestate distinebatur, iussus comes orientis Nebridius contractis undique militaribus copiis ad eximendam periculo civitatem amplam et oportunam studio properabat ingenti, quo cognito abscessere latrones nulla re amplius memorabili gesta, dispersique ut solent avia montium petiere celsorum. Restabat ut Caesar post haec properaret accitus et abstergendae causa suspicionis sororem suam, eius uxorem, Constantius ad se tandem desideratam venire multis fictisque blanditiis hortabatur. quae licet ambigeret metuens saepe cruentum, spe tamen quod eum lenire poterit ut germanum profecta, cum Bithyniam introisset, in statione quae Caenos. Incenderat autem audaces usque ad insaniam homines ad haec, quae nefariis egere conatibus, Luscus quidam curator urbis subito visus: eosque ut heiulans baiolorum praecentor ad expediendum quod orsi sunt incitans vocibus crebris. qui haut longe postea ideo vivus exustus est. Sed tamen haec cum ita tutius observentur, quidam vigore artuum inminuto rogati ad nuptias ubi aurum dextris manibus cavatis offertur, inpigre vel usque Spoletium pergunt. haec nobilium sunt instituta. Cyprum itidem insulam procul a continenti discretam et portuosam inter municipia crebra urbes duae faciunt claram Salamis et Paphus, altera Iovis delubris altera Veneris templo insignis. tanta autem tamque multiplici fertilitate abundat rerum omnium eadem Cyprus ut nullius externi indigens adminiculi indigenis viribus a fundamento ipso carinae ad supremos usque carbasos aedificet onerariam navem omnibusque armamentis instructam mari committat.